lundi 31 décembre 2012
Présence des troupes congolaises en Centrafrique : Kinshasa confirme
Crise centrafricaine
Présence des troupes congolaises en Centrafrique : Kinshasa confirme
Le gouvernement de la RDC a confirmé la présence des troupes congolaises en République centrafricaine. Selon le ministre congolais des Médias et le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, leur présence n'a pas de lien avec le conflit dans ce pays et qu’elles « sont à Bangui depuis près de trois ans dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC) ».
En confirmant cette information, Lambert Mende a tenu à réagir aux accusations de la rébellion centrafricaine selon laquelle la RDC aurait envoyé des troupes en République centrafricaine pour soutenir le régime du président François Bozize.
Il ya quelques jours, des informations ont fait état de l’envoi par la République démocratique du Congo de 300 soldats de la garde présidentielle à Bangui en Centrafrique pour secourir le régime de François Bozizé menacé par la rébellion Séléka. Ces troupes interviendraient dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC) et seraient stationnées au camp Beya de Bangui.
La nouvelle a poussé les rebelles centrafricains à demander aux troupes congolaises de "ne pas rentrer dans le conflit".
Selon la même source, les soldats congolais auraient été accueillis par un bataillon d'infanterie amphibie et installés au camp Beya, le quartier général de l'armée centrafricaine. Selon la Séléka, ces militaires interviendraient dans le cadre de la force multinationale d'Afrique centrale (Fomac) et pourraient être rejoints par d'autres pays, comme le Gabon. Les rebelles demandent aux troupes de la Fomac de "rester neutre, de ne pas rentrer dans le conflit" et de "protéger la population des exactions de Bozizé".
A ce jour, la RDC fait les frais des affrontements entre les rebelles et les Forces armées centrafricaines (Faca) en accueillant près de 4. 000 réfugiés centrafricains, à Zongo, dans le district du Sud- Ubangi, province de l'Equateur. Alors que la RDC, qui éprouve déjà de sérieux problèmes pour venir en aide à ses propres déplacés internes, doit encore faire face au problème d’assistance des réfugiés centrafricains fuyant les hostilités de leur pays.
Les pays de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), qui compte déjà une force de maintien de la paix de 500 hommes en Centrafrique, ont annoncé dernièrement l'envoi de nouvelles troupes en République centrafricaine, sans précision du nombre d’hommes. C’était à l'issue d'un sommet extraordinaire tenu à Libreville, capitale du Gabon, peu après l'annonce de négociations entre la Séléka et François Bozizé.̀
Les troupes de la CEEAC, principalement tchadiennes et réunies au sein de la Mission de consolidation de la paix en Centrafrique (Micopax), ont pour le moment été incapables de contenir les avancés de la Séléka.
La présence des militaires congolais en RCA soulève des interrogations dans l’opinion nationale, d’autant plus que la RDC, dont les négociations avec les rebelles du M23 sont dans une impasse, fait elle-même face à une rébellion qui menace de reprendre les armes si les pourparlers de Kampala n’arrivent pas à satisfaire à leurs revendications.
Ainsi se demande-t-on, alors que la RDC est attaquée, les femmes violées, les enfants mutilés et enrôlés de force dans la rébellion, au vu de la communauté internationale, pourquoi le gouvernement devra-t-il disperser le peu de moyens en hommes dont il dispose en en envoyant une partie en RCA ? Qu’adviendra-t-il si, d’aventure, les rebelles du M23 reprenait la guerre au Nord-Kivu ? Sommes-nous capables d’aller au secours des voisins alors que nous-mêmes nous peinons pour nous protéger des incursions des rebelles et autres groupes armés qui écument dans la partie orientale du pays ? Faudra-t-il conclure l’envoi des troupes congolaises au pays de Bozizé a été entériné par le Parlement ?
Bozizé aux abois
Les insurgés, qui accusent François Bozizé de ne pas avoir respecté les termes d'un accord de paix conclu en 2007, ont repris les armes le 10 décembre et se trouvent désormais aux portes de Bangui, la capitale. La Séléka a néanmoins annoncé jeudi avoir suspendu son offensive pour permettre l'ouverture du dialogue.
Le chef de l'Etat, élu à deux reprises après son arrivée au pouvoir lors d'un putsch de 2003, a demandé jeudi l'aide de Paris et de Washington pour les repousser, mais son homologue François Hollande a déclaré que la France n'était pas présente en Centrafrique pour "protéger un régime", mais pour assurer la sécurité de ses ressortissants.
La France compte 1.200 Français résident en République centrafricaine, pour la plupart à Bangui, où ils travaillent essentiellement pour des organisations humanitaires et le groupe français Areva, qui exploite le gisement d'uranium de Bakouma, dans le sud du pays.
Environ 150 militaires français ont été déployés samedi matin en République centrafricaine, en soutien aux 250 déjà présents, à l'aéroport de Bangui, où ils assurent un soutien technique et opérationnel à la Micopax.
L'aviation française est intervenue en 2006 contre les rebelles, mais François Hollande a déclaré que "ce temps-là (était) terminé".
De nombreux bateaux chargés de bagages ont traversé l'Oubangui pour gagner la République démocratique du Congo, sur l'autre rive et le trafic routier s'est intensifié en direction du Sud.
Aussi, de plus en plus isolé et menacé par une rébellion aux portes de Bangui, le président François Bozizé a appelé jeudi à l'aide Washington et l'ex-puissance coloniale française, mais les deux pays semblent ne pas avoir entendu son cri de détresse.
La France, ex-puissance coloniale qui a longtemps possédé une importante base militaire en Centrafrique et dont 1.200 ressortissants vivent dans ce pays, a indiqué qu'elle n'interviendrait pas et aucun pays voisin ne semblant prêt à se mobiliser pour lui. "Nous demandons à nos cousins français et aux Etats-Unis d'Amérique, qui sont des grandes puissances, de nous aider à faire reculer les rebelles à leur base initiale de façon à permettre la tenue du dialogue à Libreville pour résoudre la crise actuelle", a déclaré le président François Bozizé dans un discours public prononcé dans le centre de Bangui.
"C'est un complot contre la République centrafricaine, c'est un complot contre son peuple", a-t-il lancé. "Tous les autres chefs d'Etat centrafricains ont connu cela: Boganda a été assassiné pour cela, Bokassa a été ramené au pays menottes aux poignets, Kolingba, Patassé ont connu cette situation, et aujourd'hui c'est au tour de Bozizé d'être menacé", a martelé M. Bozizé.
Les 250 militaires français présents à l'aéroport de Bangui n'ont pas pour mission de "protéger un régime", a souligné le président François Hollande. "Si nous sommes présents, ce n'est pas pour protéger un régime, c'est pour protéger nos ressortissants et nos intérêts et en aucune façon pour intervenir dans les affaires intérieures d'un pays, en l'occurrence la Centrafrique", a-t-il affirmé à la presse, en ajoutant que "Ce temps-là est terminé", se référant à la période post-coloniale de la "Françafrique" où la France pouvait faire et défaire les régimes dans ses anciennes colonies.
Les pays de la région ne semblaient pas non plus enclins jeudi à intervenir pour apporter leur soutien au président centrafricain. Même le Tchad, traditionnel soutien de M. Bozizé, s'est refusé à soutenir explicitement son régime. N'Djamena a envoyé des troupes en Centrafrique mais souligné qu'elles se cantonneraient à un rôle d'interposition.
La force multinationale d'Afrique centrale (FOMAC), qui compte plusieurs centaines de militaires en Centrafrique, a annoncé jeudi l'envoi de nouvelles troupes pour sécuriser Bangui mais n'a donné aucun détail sur le nombre et la date d'arrivée de ces éventuels renforts.
"Bangui est sécurisée au maximum par les troupes" (de la FOMAC), mais "d'autres (troupes) vont arriver pour renforcer cette mission de sécurisation de Bangui", a déclaré le commandant de la FOMAC, le général Jean-Félix Akaga.
Cette force multinationale, mise en place en 2008 et formée de soldats venant du Gabon, de République démocratique du Congo (RDC), du Tchad et du Cameroun, avait pour mission d'aider à consolider la paix dans le pays miné par des années de guerres civiles et de nombreuses rébellions. Elle avait commencé à se retirer de la Centrafrique qu'elle était censée quitter avant le 31 décembre 2013.
Mais trois des pays qui la composent ne semblaient pas disposés à envoyer de nouvelles troupes. Parallèlement, l'Onu, qui a condamné l'offensive rebelle et Washington ont annoncé mercredi le retrait "temporaire" de Centrafrique de tous leurs employés jugés "non essentiel".
Sous-équipée, démotivée et mal organisée, l'armée régulière centrafricaine n'a opposé que peu de résistance et ne semble pas en mesure de stopper l'avancée dangereuse de la rébellion.
Qui sont ces rebelles ?
Qui est cette rébellion ? D’où sort-elle ? De qui reçoit-elle les financements ? Autant de questions dont les réponses ne sont pas faciles.
Pour certains analystes, comme Thierry Vircoulon, chercheur à l'International Crisis Group (ICG), les insurgés centrafricains bénéficient d'une logistique importante et sans doute de soutiens politiques au Tchad.
Inconnue il y a encore quelques semaines, depuis la Séléka, la rébellion centrafricaine est sortie de ses bases historiques du Nord et a pris le contrôle d'une bonne partie du pays, à la grande surprise de tous, surtout de Bangui.
Séléka signifie alliance en sango, cette rébellion reste, aux yeux de ce chercheur, toute mystérieuse. Deux vieilles rébellions, l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) et le Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), lassées des promesses non tenues et des discours sans suite du pouvoir, ont fini par joindre leurs maigres forces. Les premières victoires leur ont apporté le soutien d'autres insurgés, aux rayons d'action souvent très local. Des rebelles qui n’ont pour objectif que de renverser le président centrafricain.
Moyens financiers
Le leader, Michel Djotodja, est le fondateur de l'UFDR et ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères au long passé de rebelle. Il est ignoré par la plupart de ses concitoyens.
En dépit de tout cela, sur le terrain, la Séléka s'est montrée d'une efficacité surprenante. Depuis le 10 décembre, les troupes ont pris sept villes dont Bria, important centre diamantifère, et Kaga Bandoro, un bastion de l'armée nationale.
Les rebelles de la Séléka sont équipés de véhicules et armés de kalachnikovs, de lance-roquettes et de mitrailleuses antiaériennes. On dit qu’ils ont fait preuve d'une discipline inhabituelle dans cette région. Les manœuvres sont suivies et les pillages dans les zones occupées sont limités.
«Les rebelles se tiennent assez correctement. Il y a des vols et des exactions mais c'est plutôt le fait de civils qui profitent du désordre que d'hommes en arme», confirme un responsable humanitaire basé à Bangui.
Selon plusieurs témoins, le Séléka compterait dans ses rangs des Soudanais, sans doute d'anciens combattants des rébellions du Darfour, qui pourrait expliquer le professionnalisme montré. Pour beaucoup, cette chaîne de commandement et l'absence de pillage montrent qu'ils bénéficient de moyens financiers importants et donc sans doute d'un parrain puissant.
Le Tchad, auquel François Bozizé a fait appel, est pointé du doigt. Ce pays est depuis une dizaine d'années le protecteur de la Centrafrique. La libération des geôles de N'Djamena dans les mois passés de plusieurs opposants aujourd'hui dans les rangs du Séléka étaye notamment les soupçons. Tout comme la passivité montrée ces derniers jours par la force d'interposition tchadienne dépêchée à Sibut, un verrou à une centaine de kilomètres de Bangui.
Toutes ces supputations, les rebelles les réfutent, soutenant qu’ils n’ont pas de soutien extérieur. Selon Eric Massi, porte-parole de la Séléka, si les rebelles affirment recevoir de l’aide de certains Centrafricains, ils nient cependant recevoir de l’aide de l'étranger..
François Bozizé, ancien général et chef d'état-major, est-il en train de perdre un pouvoir qu’il avait pris par la force en 2003 avant de se faire élire ?
Kléber Kungu
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