22ème sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba
Les dirigeants africains veulent la paix, mais pas une Force africaine
Le Soudan du Sud, la
Centrafrique, le Caric au menu de la rencontre occultent le
thème central du sommet «l’agriculture et la sécurité alimentaire».
Le
22e sommet de l’Union africaine (UA) s’est ouvert jeudi pour deux jours à son
siège d’Addis-Abeba. Au menu de la rencontre, les crises au Soudan du Sud, en
Centrafrique, ainsi que la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises
(Caric) et le retour de
Madagascar au sein de l’Union africaine. Cependant, la Force africaine de réaction
rapide est loin de faire l’unanimité au sein de la famille panafricaine
pourtant écartelée par de nombreuses crises dues essentiellement aux rébellions
et autres groupes armés. thème central du Sommet
En
ouvrant les assises, la présidente de la Commission de l’Union africaine, la Sud-africaine, Nkosazana
Dlamini-Zuma, a fait vibrer la corde familiale africaine sur les crises dans
ces deux pays.
«Nos coeurs sont avec les
populations de République centrafricaine et du Soudan du Sud, qui font face à
des conflits dévastateurs dans leurs pays et en particulier aux femmes et aux
enfants qui sont devenus les victimes», a-t-elle déclaré, invitant les
participants à « travailler ensemble pour assurer la construction d’une
paix durable».
L’ancien
président de l’UA, le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, a appelé
les dirigeants africains à «trouver des solutions urgentes pour éviter à ces
deux pays frères de sombrer dans un abîme», car, a-t-il expliqué, «si nous
échouons, cela aura de graves conséquences pour la paix et la sécurité dans la
région».
Capacité africaine de réponse
immédiate aux crises
Les dirigeants réunis au sommet de
l’Union africaine, à Addis-Abeba, devraient concrétiser leur volonté de résoudre
eux-mêmes et rapidement les crises qui ne cessent de frapper le continent. Cet
objectif, souvent examiné lors des sommets de l’UA, s’incarne dans le concept
de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises - la Caric -, qui est loin
de faire l’unanimité.
Faire
en sorte que les chefs d’Etat africains arrivent à s’entendre et, surtout, à
adopter des mesures significatives et concrètes pour permettre à l’Afrique
d’assumer dans un délai raisonnable sa propre sécurité, voilà l’un des enjeux
du 22ème sommet de l’Union africaine.
Si
les dirigeants africains refusent de faire l’unanimité sur la mise en place
d’une Force africaine de réaction rapide, alors que leurs pays sont souvent
victimes de l’activisme des groupes armés et autres rébellions, ils doivent
alors accepter l’interventionnisme de la communauté international qu’ils
décrient à tout moment.
Et pourtant, il y a sous
peu, l’Afrique s’est réveillée un certain jour de janvier 2013, sous les
crépitements d’armes des groupes jihadistes au Mali. Avant que la Centrafrique ne tombe
dans un cycle de violences très meurtrières perpétrées par les rebelles de la Séléka, ceux-là même qui
avaient conquis le pouvoir.
Les
deux crises ont pourtant servi de déclic aux dirigeants africains mis devant un
fait accompli. Maliens et Centrafricains se sont réveillés de leur torpeur en
appelant au secours la communauté
internationale. Heureusement la
France de François Hollande n’a pas hésité à répondre favorablement
et rapidement à ces appels de détresse en lançant fallu l’opération Serval pour contrer les jihadistes au Mali et
Sangaris en RCA.
Cette idée, celle du
concept de Capacité africaine de réponse
immédiate aux crises est soutenue par la communauté internationale,
précisément par le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des
opérations du maintien de la paix, Hervé Ladsous, qui trouve en elle une bonne
chose. « Il s’est produit, au cours
des mois écoulés, une évolution notable. L’Union africaine travaillait sur le
concept de force africaine en attente. Ça n’a pas avancé énormément pour
diverses raisons. Maintenant, il y a ce concept de Capacité africaine de
réponse immédiate aux crises, la
Caric (...) que nous soutenons à fond »,
expose Hervé Ladsous. « C’est mon
objectif à moi aussi, aux Nations unies, de pouvoir accélérer les déploiements
des forces qui sont celles de nos contributeurs. Donc, nous visons le même
objectif : fluidifier, rendre plus rapide, plus efficace et plus
opérationnel. »
Un bloc contre la Caric
Si
l’initiative a été soutenue par la
France, lors su sommet de l’Elysée, en décembre dernier, mais
du côté des Africains, les voix sont divergentes : il y en a qui
soutiennent l’idée, pendant que d’autres s’y opposent. Ces Etats formant le
bloc contre la Carix,
estiment que la Caric
serait une perte d’énergie et de temps et surtout de ressources. Lors de leur
réunion au début du mois de janvier, les chefs d’état-major de toute l’Afrique n’ont
pas hésité à montrer leur hostilité à la mise en place de Caric.
Le
Nigeria est l’un des Etats opposé à ce projet porté par l’autre poids lourd du
continent, l’Afrique du Sud de Jacob Zuma, au grand désespoir du ministre
tanzanien des Affaires étrangères, Bernard Mbembe. « Nous devons faire notre autocritique »,
juge-t-il. « Nous ne sommes pas
sérieux. Nous ne sommes pas toujours objectifs quand nous agissons. Parfois,
des intérêts nationaux prennent le dessus. Parfois, ce sont nos difficultés
économiques qui guident notre action. Nous ne contribuons pas beaucoup aux
forces de maintien de la paix pour ces raisons. Résultat, nous ne parvenons pas
à mettre sur pied un bataillon militaire au niveau continental capable de
réagir rapidement aux crises. »
Du
côté de ceux qui soutiennent l’initiative, il y a le président ivoirien,
Alassane Ouattara qui souhaite qu’il faut arriver à la mise en place de la Caric, c’est-à-dire la Force africaine de réaction
rapide.
Principe du volontariat
La Caric, contrairement au
projet de la force africaine en attente, fonctionne sur le mode du volontariat.
C'est-à-dire que les Etats qui acceptent de participer vont financer les
opérations menées par leurs propres bataillons dédiés à ces missions de
réaction rapide. Certains pays, parmi ceux qui ont peu de moyens, soupçonnent
les volontaires de vouloir renforcer leur hégémonie.
A
supposer que l’idée voie le jour. Son financement risque de constituer le grand
handicap à son fonctionnement optimal. D’autant plus que, comme l’avance
Thierry Vircoulon, directeur d’International Crisis Group pour l’Afrique
centrale, le budget de l’Union africaine
censée chapeauter ce projet reste « trop dépendant des contributions
non-africaines»
Des
54 pays africains, 6 pays seulement sont favorables pour l’heure : le Sénégal et le Niger - pour
l’Ouest -, le Tchad - pour le Centre -, l’Ethiopie et l’Ouganda
- à l’Est - et l’Afrique du Sud ont répondu à l’appel. Le sommet
devrait le confirmer. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra,
proposera une aide logistique, car pour lui, c’est là que se situe le maillon
faible de l’appareil sécuritaire africain.
« Ce qui manque à l’Afrique, ce qui constitue
souvent un défi, c’est la logistique : la mobilité stratégique, la capacité
d’entretenir les forces sur le terrain une fois qu’elles sont déployées »,
juge le ministre algérien. Pour lui, « l’Afrique
ne manque pas d’unité, l’Afrique ne manque pas de bons soldats ».
L’option
de bataillons nationaux permet de pallier le manque de standardisation au sein
des forces africaines au niveau de l’entraînement, de l’équipement ou encore de
la langue. Ce projet, comme d’autres programmes de l’architecture de la paix et
de sécurité de l’Union africaine, n’existe que sur le papier. On attend de
savoir si, à l’issue de ce sommet, les chefs d’Etat vont adopter un calendrier
précis ou, simplement, un énième rapport, estime RFI.
Tergiverser
sur la concrétisation de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises
(Caric), c’est vouloir une chose et son contraire à la fois. Comment chercher
la paix et la sécurité dans une Afrique toujours en constante insécurité, alors
que la plupart de ses armées restent inefficaces et, par conséquent, incapables
de faire face à des rébellions toujours naissantes ? Pourquoi ne pas
chercher à unir les efforts souvent inefficaces lorsqu’elles sont seules, dans
une force panafricaine ? Si les dirigeants africains sont parvenus à unir
leurs armées dans la Brigade
d’intervention rapide de la
Monusco, pourquoi ne pas aller plus loin en concrétisant cette
belle idée de Capacité africaine de réponse immédiate aux crises ?
En
ouverture du sommet, le Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn a
passé le relais au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz va assumer
pour un an la présidence tournante de l'Union africaine (UA).
Kléber Kungu
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