Nelson
Mandela mort
Y aura-t-il d’autres Mandela ?
Nelson Mandela s'est éteint à son
domicile de Johannesburg jeudi 5 décembre 2013 à l’âge de 95 ans, emporté par
une infection pulmonaire l’ayant poussé à être interné à l’hôpital à plusieurs
reprises. Des hommages des grands de ce monde fusent de partout, louant les
qualités cardinales de cet homme hors pair, prix Nobel de la paix 1993 partagé
avec le dernier président de l'apartheid, Frederik De Klerk. Aura-t-il inspiré
les dirigeants africains qui ne tarissent pas d’éloges à son endroit ? Des
éloges qui ne se limitent à la seule admiration. Il sera inhumé le 15 décembre.
Lui mort, emportera-t-il toutes ses qualités sans faire des héritiers ? Y
aura-t-il d’autres Mandela ? Mandela survivra-t-il à travers quelques
oiseaux rares ?
Nelson Mandela, affectueusement appelé Madiba, a été, de son vivant, l’une des incarnations des droits de l'Homme. Un homme en qui le monde entier reconnaît unanimement les qualités d’un leader qui fait de lui aujourd’hui un héros. Mais, Madiba mort, les Africains pourront-ils espérer que sa mémoire pourrait être honoré par d’autres Mandela qu’auront incarné les dirigeants africains ?
En
lui-même, Nelson Mandela a incarné de son vivant une somme de qualités humaines
dont Dieu n’a pas pu pourvoir tout humain et que les autres humains lui
reconnaissent de manière unanime. Humilité, altruisme, humanisme, amour du
prochain, charisme, esprit d’écoute, capacité à se remettre en question, sens
tactique, sens élevé du pardon, esprit de sacrifice, respect des autres,
respect de la parole donnée, justice, réconciliation, prudence, habileté,
pragmatisme, capacité à concevoir de multiples stratégies au service de ses
combats, Mandela les possédait et, le cas échéant, savait les mettre en pratique
ou s’en servir pour se rendre utile aux gens. Ce qui a fait de lui un dirigeant
modèle que l’Africain souhaite avoir.
Pour toutes
ces qualités, Mandela faisait la fierté de l’Afrique, de tout le peuple
africain. Ces qualités, Nelson Mandela les a utilisées comme une arme
redoutable pour remplir une carrière politique riche en événements heureux,
pour mener bien des médiations de son vivant.
Il
estimait, par exemple, qu’il ne fallait pas dicter aux gens leur conduite, mais
plutôt instaurer un consensus dans lequel chacun trouverait sa place. De
tout temps, le leader charismatique a su convaincre et inspirer les autres,
toujours avec empathie et en se mettant au diapason de ses interlocuteurs. Au
final, il voulait les amener à embrasser ses idées, leur laissant croire qu'ils
en avaient été porteurs eux-mêmes.
D’une
humilité déconcertante, Mandela refusait de s’approprier seul tous les succès
d’un combat, estimant que cela était possible grâce à la contribution des
autres. Que de succès, de victoires
deviennent la propriété exclusive d’un seul individu, même si l’évidence montre
que d’autres y ont contribué grandement.
Qui des
dirigeants africains serait prêt à pardonner à ses ennemis, à ses adversaires
politiques qui auraient contribué à sa chute politique ? Ya-t-il un
président africain qui serait prêt à ne faire qu’un seul mandat après avoir
obtenu l’occasion tant rêvée de diriger son pays au terme d’une lutte qui l’a
conduit en prison ? Mandela a su incarner le modèle de gouvernance et
d’alternance du pouvoir en Afrique - où la plupart des dirigeants prennent le
pouvoir et ne le lâchent plus - en passant la main au bout d’un seul mandat.
Leader incontesté
Nelson
Mandela fut un leader incontesté à l’éthique chevillée au corps. Son humilité
naturelle, sa capacité à se remettre en question et surtout son remarquable
sens tactique, travaillé du temps de sa captivité ont contribué à sa réussite
politique.
L'ex-président
sud-africain restera dans l'histoire un personnage de légende, une icône
planétaire. Ses années de combat, de prison, de gouvernance et de retraite en
ont fait une autorité morale universelle.
Ses
27 ans de prison qui l’ont privé de liberté, il les doit aux Blancs à qui il
n’a pas hésité à pardonner une fois hors des geôles. Son sens élevé de pardon
l’a poussé à travailler avec ses anciens geôliers, oubliant toutes les
brimades, les humiliations de toutes sortes. Son humanisme et son sens élevé de
réconciliation ont pris le dessus de tout autre esprit revanchard qui circule
dans les veines de bien des humains…
Sans
beaucoup d’effort de sa part, Nelson Mandela a su emmagasiner, comme leader,
une forte dose de charisme que son humilité et son respect envers les autres –
que bien des dirigeants prennent pour de la faiblesse - sont parvenus à cimenter pour le hisser au
rang d’un héros mondial vénéré aujourd’hui par la planète tout entière.
Un «animal politique infatigable»toujours au service des autres
Alors
qu’au terme d’un seul petit mandat à la magistrature suprême de son pays, le
1er juin 1999, Nelson
Mandela promet de consacrer le temps qu'il n'a jamais eu à ses
treize petits-enfants et à son épouse, Graça Machel, la veuve du président
mozambicain Samora Machel, épousée en troisièmes noces, à 80 ans, en
se retirant dans son village natal du Transkei, sa propension à servir les
autres l’emporte sur les intérêts familiaux.
Fort
de son sens élevé d’écoute, son habileté, son sens tactique acquis sur le ring
–il fut boxeur – Mandela parviendra à dénouer d’inextricables conflits comme
celui des Buruindais au chevet desquels il va se mettre en février 2000,
renvoyant ainsi sa retraite à plus tard. Ce politicien que ses proches vont
appeler «Animal politique infatigable»,va multiplier des services de bons
offices auprès de ceux qui en ont besoin. Il sera souvent contacté pour servir
de médiateur dans les conflits africains. Mais après avoir bouclé l'accord de
paix inter burundais en août 2000, il décline tout mandat au Kosovo et en
République démocratique du Congo (RDC), alors qu’il avait déjà joué le rôle de
médiateur en RDC entre les présidents Laurent-Désiré Kabila qui prenait le
pouvoir et Mobutu Sese Seko qui en était chassé.
Cela
n’a pas empêché le héros de la lutte anti-apartheid de s'exprimer sur toutes
les questions du moment. En 2001, il n'hésite pas à critiquer l'attaque
américaine en Irak. Et en vieillissant, l'icône de la réconciliation se soucie
de moins en moins du «politiquement correct». Il invite chez lui sans complexe
à la fin de l'année 2004 le président haïtien déchu, Aristide.
Alors,
quel est ce président africain qui se met au service de ses pairs en
montrant ou en étant lui-même l’exemple, le modèle de bonne gouvernance et
d’alternance au pouvoir?
Retiré
de la vie publique depuis plusieurs années, l’ancien premier président noir de
l’Afrique du Sud, est sorti de la prison après 27 ans passé devant les
barreaux.
Mort
à l’âge de 85 ans après avoir été vaincu, comme un boxeur résistant, à l’issue
d’un interminable combat, je voudrais une longue et pénible maladie, Nelson
Mandela quitte cette terre qu’il a bien servie, pleuré par toutes les races.
Il
a su montrer que, pour être bien connu, si bien connu, pour bien servir ses
pairs, il ne suffit pas de s’accrocher au pouvoir, de s’y éterniser. On peut
bien servir l’humanité en si peu de temps, services, mais bien rendus. Il a su
marquer son époque par sa son empreinte qu’aujourd’hui, Mandela parti, l’on se
demande si nous pouvons espérer demain avoir d’autres Mandela.
Kléber Kungu
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