lundi 26 novembre 2012
Le M23 refuse d’évacuer sur fond des pillages des biens précieux
Goma sous occupation rebelle
Le M23 refuse d’évacuer sur fond des pillages des biens précieux
Alors que l’ultimatum lancé aux rebelles du M23 venait d’expirer lundi 26 novembre, les occupants de Goma continuent de défier la communauté internationale en s’entêtant à y rester, alors que la pression se fait de plus en plus forte pour leur exiger le départ du chef-lieu de la province du Nord-Kivu. En attendant d’évacuer un jour Goma, les hommes de Jean-Marie Runiga se mettent à faire déplacer pour Gisenyi tous les biens publics et privés précieux rencontrés à Goma. Aussi des véhicules de l’Office des voiries et drainage (OVD) et des Jeeps et voitures des particuliers continuent à prendre la direction de la ville du Rwanda. Par ailleurs, ils mettent à profit leur avantage éphémère pour renforcer les effectifs de leurs rangs en recrutant des jeunes Gomatraciens.
Le dernier sommet extraordinaire de la Conférence internationale de la région des Grands lacs (CIRGL) consacré à la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC qui s’est tenu samedi 24 novembre à Kampala, capitale ougandaise, a demandé aux rebelles du M23 de quitter les positions qu’ils ont conquises après leur dernière offensive et de se positionner à environ 20 km de Goma dans un délai de deux jours..
Les chefs d’Etat des Grands Lacs ont demandé au M23 de stopper son extension territoriale et de ne plus remettre en question le gouvernement légitimement élu de la RDC. Ils ont décidé du déploiement d’une force composite comprenant une compagnie de la force internationale neutre, une compagnie des FARDC et une compagnie du M23 à l’aéroport de Goma, actuellement tenu par la Monusco.
Les rebelles du M23 sont sommés de remettre à la police les armes délaissées par les militaires congolais dans les localités qu’ils ont conquises.
Les chefs d’Etat des Grands lacs ont demandé au gouvernement congolais « d’écouter, d’évaluer et d’apporter une réponse aux doléances légitimes du M23 ».
Mais 48 heures plus tard, les hommes de Jean-Marie Runiga continuent de défier la CIRGL en continuant à occuper Goma. Ces rebelles conditionnent ce retrait par un dialogue direct avec Joseph Kabila, ajoutant que ce dialogue doit également réunir la diaspora, l’opposition et la société civile.
Le colonel Vianney Kazarama, porte-parole militaire de cette rébellion, quant à lui, justifie le non-retrait de ses troupes de Goma par la crainte qu’il éprouve pour la sécurité de la population civile si le M23 se retirait de la ville. Il a évoqué la présence des miliciens Maï-Maï et des rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) qui, selon lui, insécurisent les habitants.
Des raisons si fallacieuses qu’elles ne servent qu’à tenter de flouer l’opinion. En effet, c’est maintenant seulement que la sécurité des habitants de Goma préoccupe ces rebelles et pourtant les rebelles Maï-Maï et des FDLR sont présents dans la région depuis des décennies.
Devenus maîtres du chef-lieu du Nord-Kivu, ils se mettent la piller en en emportant tout ce qu’ils y trouvent de précieux. C’est le cas notamment des véhicules de l’OVD et d’autres véhicules des particuliers qui prennent la direction de Gisenyi, ville rwandaise à la frontière entre la RDC et le Rwanda.
Paralysie d’activités
A Goma, une semaine plus tard, certaines activités restent paralysées, même si certaines d’autres commencent à reprendre peu à peu.
Alors que lundi 26 novembre, les rebelles du M23 ont ordonné la réouverture de la succursale de la Banque centrale du Congo (BCC), les responsables des banques privées, réunis la veille par les responsables de la rébellion, ont fait savoir qu’ils ne pouvaient reprendre du service que sur autorisation de la BCC, tout en conditionnant cette reprise aux garanties sécuritaires et à la fourniture en courant électrique.
Le petit commerce et d’autres activités socio-économiques reprennent également.
La Direction générale des douanes et accises (DGDA) et la Direction générale de migration (DGM) fonctionnent déjà à la grande barrière, à la frontière rwandaise. Mais beaucoup d’entreprises n’ont toujours pas repris du service.
Quant au secteur de l’enseignement, la reprise reste encore timide sur le terrain. Peu d’élèves étaient visibles lundi matin. Entre temps, des milliers d’habitants qui se sont déplacés ne sont pas toujours rentrés.
Sur le plan sanitaire, au moins deux cents blessés de guerre civils et militaires bénéficient depuis mardi 20 novembre d’une prise en charge médicale gratuite à l’hôpital Heal-Africa à Goma. Ils sont victimes des affrontements ayant opposé les rebelles du M23 aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) le 20 novembre le jour de la chute de Goma. Les blessés de guerre civils et militaires d’autres zones de la région où le besoin se fait sentir notamment à Kirotshé, à environ 40km à l’Ouest de Goma vont également bénéficier de la même prise en charge.
Evasion de 500 prisonniers et insécurité grandissante
A la suite de l’évasion d’environ 500 détenus de la prison de Goma lors de la prise de cette ville par les rebelles du Mouvement du 23 mars, appuyés par les troupes rwandaises, l’insécurité s’y est accentuée.
Parmi ces fugitifs se trouvaient, notamment des combattants du M23 et autres groupes armés, des éléments des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC). La plupart de ces évadés ont été poursuivis pour de graves violations des droits de l’Homme. En effet, les cas de viols sont légions au Nord-Kivu. Selon un rapport de l’ONG Heal Africa présenté à la presse le 10 septembre à Kinshasa, plus de 2 500 personnes, dont 30% d’enfants, ont été violées entre janvier et juin de l’année en cours dans cette province.
Ces chiffres en forte augmentation seraient dus à l’insécurité qui prévaut dans cette région du pays depuis plusieurs mois. De 2010 à 2011, 1 120 auteurs de violences sexuelles ont été arrêtés et emprisonnés dans cette province.
Depuis le début des hostilités dans cette partie du pays, de nombreux cas de viols ont été enregistrés par les organisations non gouvernementales. Il y a quelques jours encore, dix miliciens Maï-Maï de Kakule Lafontaine s’étaient évadés de la prison de Goma.
Sans doute, la vague d’évasions des prisonniers enregistrée lors de la prise de Goma par les rebelles du M23, la situation sécuritaire au Nord-Kivu risque de se détériorer davantage.
Le cas le plus illustratif est les menaces de mort dont ont été victimes de la part des rebelles du M23 la vingtaine de magistrats évacués à Kinshasa dimanche 25 novembre par la force onusienne après avoir passé trois jours à la base de la Monusco.
L’un d’eux a rencontré un groupe de rebelles du M23 qui l’ont mis à genou. Un des rebelles lui a dit en braquant sur lui une arme: « Tu m’as condamné à 12 ans de prison et moi je te condamne à la mort ». Le magistrat s’est échappé après une dispute entre rebelles ».
Bukavu connaît une surenchère
La guerre au Nord-Kivu, principalement l’occupation de Goma par les rebelles du M23 a entraîné des conséquences fâcheuses sur les prix des biens sur les marchés de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. Le relatif retour au calme n’a pas malheureusement permis aux bateaux de reprendre la navigation sur le lac Kivu.
En temps normal, le trafic est très dense entre Goma et Bukavu. Bukavu, une ville d’environ 800 000 habitants, dépend en grande partie de Goma qui lui fournit l’essentiel des produits alimentaires. Aujourd’hui, Goma aux mains des rebelles du M23, la farine, les pommes de terre, le poisson séché n’arrivent plus à Bukavu. Le prix du sac de pommes de terre est passé en une semaine de 50 dollars à 62 dollars.
Si à ce jour, quelques produits sont encore visibles sur les marchés de Bukavu et que leurs prix n’ont pas encore atteint des sommets, il y a à craindre leur disparition si la situation perdure encore pendant quelques jours.
Aujourd’hui, la ville de Bukavu et ses habitants vivent dans la psychose des pillages si le chef-lieu de la province du Sud-Kivu tombe aux mains du M23.
Kléber Kungu
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