lundi 19 novembre 2012
Goma sur le point de tomber, Gisenyi bombardée, Kinshasa refuse de négocier
Guerre au Nord-Kivu
Goma sur le point de tomber, Gisenyi bombardée, Kinshasa refuse de négocier
Paris a présenté lundi 19 novembre à l'Onu une résolution condamnant le M23
Selon un Gomatracien, qu’on a joint par téléphone avec difficulté et qui a refusé d’engager un entretien de plusieurs minutes, Goma est en train de vivre dans une grande psychose. Il a pu quand même nous envoyer un texto très laconique, à 18 h 27, selon lequel la situation au chef-lieu de la province n’est pas bonne, selon ses propres termes. Il y règne une confusion totale. On ne sait pas qui a pris le dessus sur l’autre entre les rebelles du M23 et les FARDC dont certaines unités
décrochent déjà. Il nous a informé d’un échange de tirs entre les 2 côtés des frontières de Goma et de Gisenyi. « Tous nous sommes dans des maisons », a-t-il conclu.
La situation de la guerre au Nord-Kivu a vite évolué, très vite même. À la suite d'une grande offensive durant le week-end, les rebelles du M23 sont arrivés à 5 km du centre de Goma, où les scènes de déplacement de la population civile se multiplient. Les mutins menacent de prendre complètement la ville si les FARDC les attaquent et si Kinshasa refuse de négocier. Entre temps, le gouvernement congolais ne se départit pas de sa position et on annonce que les FARDC ont délibérément bombardé le Rwanda lundi, selon le porte-parole de l'armée rwandaise le général Joseph Nzabamwita, ajoutant que Kigali faisait pour l'heure preuve de retenue.
Alors qu’on parle de plus en plus d’armes lourdes qui tonnent aux portes de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, et même à l’aéroport de cette ville, par conséquent de la débandade de la population craignant l’avancée des rebelles du M23, le M23 conditionne leur progression notamment à une démilitarisation de Goma et à la protection par la Monusco des populations civiles, on annonce que Gisenyi, localité frontalière de Goma, aurait été bombardée délibérément par les militaires des FARDC.
Lundi 19 novembre, Goma a affiché l’image d’une ville morte, car la plupart des établissements scolaires, des commerces, marchés et banques du centre-ville n’ont pas ouvert, seuls certains services de l’Etat ainsi que le transport en commun ont fonctionné normalement. Mais on a noté une certaine activité dans les quartiers populaires de Goma comme Birere, Katindo, Ndosho et la zone résidentielle de Himbi à l’ouest de la ville où la population s’est ravitaillée en denrées de première nécessité dans les quelques boutiques restées ouvertes.
Des coups de feu entendus près de l’aéroport de Goma
Des coups de feu ont été entendus lundi 19 novembre dans l’après-midi près de l’aéroport de Goma au Nord-Kivu. Certains militaires indisciplinés commis à la garde des résidences des autorités se seraient mis à tirer, pour riposter aux obus tirés en provenance du Rwanda. Ces obus auraient causé des blessés à Goma.
Dans un communiqué rendu public le même jour, le M23, pour sa part, accuse l’armée congolaise d’avoir tenté de relancer les hostilités alors que ses combattants étaient en passe de se replier par rapport à la ligne de front actuelle, située à Munigi, 2 km seulement de l’aéroport.
Selon le même document, les forces du M23 disent avoir été instruites d’opposer une résistance farouche à l’adversaire et de le repousser le plus loin possible de leurs positions de manière à garantir la totale sécurité aux populations civiles.
Dans un autre communiqué officiel de ce mouvement daté de dimanche soir, les rebelles du M23 ont décrété l’arrêt des hostilités « pour donner la chance à la résolution pacifique de la crise présentement en cours. »
Paris a présenté lundi à l'Onu une résolution condamnant le M23
La France a présenté lundi 19 novembre une résolution au Conseil de sécurité de l'Onu demandant un renforcement des sanctions internationales contre les rebelles du M23. Selon l'ambassadeur de France à l'Onu, Gérard Araud, le M23 a complètement ignoré ce qu'avait dit le Conseil de sécurité qui lui avait demandé samedi 17 novembre de stopper sa progression vers Goma, et que tout soutien extérieur et toute fourniture d'équipement au M23 cessent immédiatement.
Gérard Araud a précisé que la résolution de la France évoquerait l'implication éventuelle d'autres pays dans le conflit. Le gouvernement congolais a toujours refusé d'engager des négociations avec le mouvement rebelle qu'il considère comme une émanation du Rwanda voisin, des accusations reprises par les Nations unies, mais qui sont démenties par Kigali.
Cette question sera l'une des parties délicates de la résolution, a estimé M. Araud. Il a par ailleurs déclaré espérer un vote rapide sur ce texte, qui pourrait avoir lieu mercredi, quand les 15 Etats membres du Conseil doivent évoquer la situation en République démocratique du Congo.
L'entourage de la ministre de la Francophonie Yamina Benguigui a de son côté precisé que la résolution devait porter sur la condamnation du M23, sur la sanction du groupe dans son ensemble, et appeler à l'intangibilité des frontières, à la garantie de l'accès à l'aide humanitaire.
Dimanche, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, avait par ailleurs affirmé que les 6.700 Casques bleus basés dans la région où ont lieu les combats, le Nord-Kivu, allaient y rester.
Dans ce climat de peur provoquant un déplacement massif des populations civiles, les camps de déplacés ont vu le nombre de leurs pensionnaires augmenter exponentiellement. C’est le cas du camp de Mugunga, qui compte actuellement qui a accueilli un nombre important de déplacés du camp de Kanyaruchinya, situé au nord de Goma.
Par conséquent, les acteurs humanitaires redoutent une crise humanitaire de grande envergure, car l’eau et la nourriture venant à manquer, la famine commence à s’installer en provoquant déjà quelques morts.
Le camp de Mugunga compte actuellement plus de quatre-vingt-dix mille déplacés qui ont fui les combats entre militaires et rebelles dans leurs localités, depuis le mois de juin pour certains.
La situation est telle que la Société civile est à nouveau montée au créneau. Dans une déclaration faite lundi 19 novembre à Bukavu, la société civile du Sud-Kivu demande au gouvernement congolais de prendre ses responsabilités, promettant de déclencher « une série d’activités d’envergure et une mobilisation populaire jusqu’à ce que toute la province du Nord-Kivu soit mise à l’abri de l’activisme du M23».
Par la voix de Patrice Wabaguma, membre du bureau de coordination de cette structure, la Société civile n’a pas hésité à exprimer son ras-le-bol face à une situation qui perdure. Elle demande par conséquent au gouvernement de s’expliquer « clairement autour de l’histoire du M23 », avouant « ne plus rien comprendre ». « On est fâché, on est fatigué. Tout pouvoir qui n’est pas à mesure de répondre aux attentes de la population est un pouvoir fichu et doit être foutu dehors », estime-t-il.
Cinq ministres du gouvernement dont celui de la Défense, de l’Intérieur et de l’Education qui séjournent depuis dimanche 18 novembre à Bukavu, ont été reçus lundi 19 novembre par le gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Chishambo, et doivent se rendre prochainement au Nord-Kivu.
Ils ont la mission « d’organiser les secours d’urgence en faveur des victimes de cette dernière vague d’agression ».
Les combats entre militaires de l’armée régulière et rebelles du M23 ont repris jeudi 15 novembre dernier à Kibumba, à 30 km de Goma. Après avoir pris le contrôle de cette localité, ces rebelles se sont positionnés à 10 km du chef-lieu du Nord-Kivu à Munigi. Ils exigent du gouvernement congolais la cessation des hostilités et des négociations directes.
Ces négociations doivent impliquer notamment l’opposition congolaise, la société civile ainsi que la diaspora. Selon un communiqué du mouvement rebelle, elles devront porter sur la démilitarisation de la ville de Goma et de son aéroport-contrôlé par l’armée loyaliste appuyée par la Monusco-, ainsi que la réouverture de la frontière de Bunagana.
Les rebelles du M23 se seraient arrêtés à 5 km du centre-ville, sur les hauteurs, à la suite d’un accord passé avec l’armée congolaise. De fait, de nombreux chefs des Forces armées de la RDC (FARDC) ont déjà fui la ville, dimanche, en compagnie de civils par milliers et de réfugiés d’un camp voisin, qui comptait 30 000 personnes avant les combats.
La guerre du Nord-Kivu vient de connaître la plus grande offensive depuis le début de la mutinerie en mai dernier. Selon le vice-gouverneur provincial, Feller Lutaichirwa, les militaires congolais se sont retirés afin « d'éviter un bain de sang » dans Goma, « ville de déplacés, prise en étau », entre le lac Kivu et la zone occupée jusqu'à présent par le M23. Le porte-parole de l'armée à Goma a cependant affirmé que les FARDC étaient en position aux abords de la ville, notamment à Munigi, au Nord, près de l’aéroport, où les rebelles disent avoir pris position. « Si les FARDC nous attaquent, on prendra la ville », a expliqué le colonel Innocent Kayina, un responsable du M23 dans le secteur.
La Monusco, qui compte 6 700 hommes au Nord-Kivu, a fait intervenir 4 de ses hélicoptères pour essayer, samedi de stopper l’avancée des rebelles du M23. Mais sans succès.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a d’ailleurs demandé samedi l'arrêt de l'avance de la rébellion vers Goma et que « tout soutien extérieur et toute fourniture d'équipement au M23 cessent immédiatement ». Des propos qui visent indirectement le Rwanda voisin, accusé par l’Onu et Kinshasa de soutenir les rebelles, ce que Kigali dément.
Malgré la mise en garde de la représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, ainsi que des diplomaties française et anglaise des rebelles du M23 et leurs soutiens contre la poursuite des violences et l’aggravation de la situation, les armes ne se sont pas tues.
Les mutins réclament une meilleure application des accords de 2009 avec le gouvernement congolais portant sur l’intégration des anciens membres de la rébellion pro-rwandaise du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein des forces loyalistes. Ils exigent notamment le maintien de tous les officiers dans leurs grades et refusent le « brassage » que veut leur imposer Kinshasa ce qui les éloignerait de leur zone d'influence dans l'est de la RDC.
Kléber Kungu
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