lundi 22 octobre 2012
Le M23 se mue en l'ARC, la RDC ferme ses frontières avec le Rwanda
Guerre d’agression au Nord-Kivu
Le M23 se mue en l'ARC, la RDC ferme ses frontières avec le Rwanda
Le Mouvement du 23 mars (M23) s’est métamorphosé en créant une branche armée, l’Armée révolutionnaire du Congo, ARC, pour, selon les rebelles du M23, faire face à l’assaut final que les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) sont en train de préparer contre eux sur fond de la relance des hostilités mises en veilleuse pendant plusieurs semaines et de mise en place de la Force neutre internationale au mois de décembre.
Le bras armé du Mouvement du 23 mars (M23), qui opère depuis mai dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a été rebaptisé Armée révolutionnaire du Congo. Le président du M23, Jean-Marie Runiga, a promis une riposte de ses hommes au cas où les forces loyalistes les attaquent.
"L'armée du M23 (...) est désormais appelée l'Armée révolutionnaire du Congo (ARC)" et le colonel Sultani Makenga passe de commandant à "général de brigade" du groupe armé, selon un résumé de la conférence de presse organisée par Jean-Marie Runiga qui s’est exprimé depuis Bunagana, à la frontière avec l'Ouganda.
Au président ougandais Yoweri Museveni, médiateur de la crise congolaise désigné par ses pairs de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL), le n° des rebelles du M23 a fait ses doléances et regretté que les négociations soient restées "indirectes" avec le pouvoir de Kinshasa.
Pour les rebelles du M23, Kinshasa était en train de les endormir en leur proposant des pourparlers qui visaient à "tromper la vigilance du M23 en lui faisant croire à une possible négociation, pendant que Kinshasa réorganisait son armée défaite par le M23 en y incorporant des nouvelles unités" constituées de divers groupes armés locaux et étrangers.
Il est notamment évoqué une collaboration avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une rébellion hutu qui commet des exactions dans l'est de la RDC et dont certains membres sont recherchés par Kigali pour leur participation au génocide contre les Tutsi de 1994 au Rwanda et dont la seule évocation de ce nom provoque des nuits insomniaques au pouvoir de Kigali.
Jean-Marie Runiga accuse les FARDC de prépare l’assaut final contre ses hommes. "Nous assistons au renforcement des positions militaires des FARDC sur la ligne de front où les FDLR et les FARDC se préparent à ce qu'ils appellent l'assaut final contre nos positions".
"Nous demandons au gouvernement de cesser toute velléité belliciste et revenir sur la table des négociations. Dans le cas contraire, le M23 se défendra", a-t-il menacé, alors qu'une force neutre doit être déployée d'ici décembre pour combattre les groupes "négatifs", dont le M23 et les FDLR.
Pour le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, il n’y aura jamais de négociations avec le M23, arguant qu’il était « totalement inutile de négocier avec une force de procuration », ajoutant que le Rwanda était toujours prêt à créer d’autres rébellions même si on se mettait d’accord avec les rebelles du M23. Lambert Mende s’est appuyé sur la récente expérience avec le CNDP. En effet, après avoir négocié avec le CNDP, le Rwanda a créé le M23 avec les membres du CNDP. Voilà pourquoi Kinshasa pense qu’il faut « parler avec la source du problème qui est le Rwanda », a souligné Monsieur Mende.
Parlant de l’ARC, le porte-parole du gouvernement l’a qualifiée de « rigolade », disant que le Rwanda cherchait seulement à changer sa réputation « ternie avec la dénomination M23 », selon ses termes. Une rébellion accusée de meurtres, enlèvements et viols par les habitants de Rugarama et Shinda, dans le territoire de Rutshuru. Des exactions commises ces deux dernières semaines dans ces deux villages contrôlés par ce mouvement rebelle.
Des sources locales rapportent que dans la nuit de vendredi à samedi 20 octobre, des rebelles ont tué un homme par balle à Shinda. Les mêmes sources indiquent qu’une dizaine de maisons ont été pillées et deux jeunes filles enlevées puis violées à Bugina depuis le début du mois d’octobre.
Frontières fermées pendant la nuit
Les choses se précipitent dans la partie orientale de la RDC. Les autorités de Kinshasa ont décidé de fermer désormais la frontière entre la RDC et le Rwanda entre 18 heures et 6 heures du matin, selon un communiqué publié le dimanche 21 octobre par le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku. Celui-ci évoque « un réaménagement » des horaires d’ouverture et de fermeture des frontières entre Goma, chef-lieu du Nord-Kivu et Gisenyi, ville rwandaise. Les postes frontaliers de la Grande et la Petite barrières ouvriront désormais à 06hoo du matin et fermeront à 18hoo locales. Kigali n’a pas encore réagi à cette décision.
Si le communiqué reste muet quant aux raisons à la base de cette décision, il n’est pas difficile de comprendre qu’elle serait due à la psychose qui enveloppe la région sous la menace de la reprise des combats proférée par les rebelles si les autorités de Kinshasa ne se mettent pas vite à la table des négociations. Mais le communique du gouvernorat précise simplement que la mesure est « en exécution des instructions du gouvernement datant du 19 octobre 2012 ».
On rappelle que cette frontière était ouverte 24 heures sur 24 « en phase expérimentale » depuis près d’une année à la suite à d’une recommandation de la Communauté économique des pays des Grands lacs (CEPGL) dans le cadre de la relance des activités entre le Burundi, le Rwanda et la RDC.
La décision de fermer la frontière entre la RDC et le Rwanda, bien que partiellement, est saluée par la société civile du Nord-Kivu. Son porte-parole, Omar Kavota, estime que la mesure pourrait contribuer à sécuriser davantage la ville de Goma. Les autorités rwandaises n’ont pas encore réagi à cette mesure.
La décision du gouvernement provincial intervient quelques jours après la publication par des experts de l’Organisation des Nations unies d’un rapport final sur la sécurité dans l’Est de la RDC.
Ce rapport vient renforcer les accusations portées contre le Rwanda et l’Ouganda sur leur soutien multiforme (politique, militaire et logistique) aux rebelles du M23. Ceux-ci, apprend-on, ont pris le contrôle de certaines localités du territoire de Rutshuru et menacent d’attaquer la ville de Goma.
Ce n’est pas la première fois que la ville de Goma est sous la menace des rebelles du M23. A la fin du mois de juillet dernier, en réaction aux rumeurs sur la chute de Goma aux mains des rebelles du M23, le porte-parole de l’armée congolaise au Nord-Kivu, le colonel Olivier Hamuli avait appelé les habitants à vaquer librement à leurs occupations, assurant que Goma était sous le contrôle des FARDC. Le jeudi 2 août, le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté une déclaration fustigeant les agissements du M23 et leur demandant de cesser leur avancée vers la ville de Goma.
La viande rwandaise interdite à Goma
Le maire de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, Naason Kubuya, a interdit l’importation de viande en provenance du Rwanda. Selon Naason Kubuya, cette viande est prohibée au Rwanda car impropre à la consommation.
Le maire de Goma a annoncé la mesure, en appui avec l’inspecteur urbain du service vétérinaire, en appelant la Direction générale de migration (DGM) et autres services des frontières à multiplier les contrôles afin d’éviter que cette viande ne traverse du Rwanda vers la RDC.
La création de l’Armée révolutionnaire du Congo intervient alors qu'il est prévu le déploiement d’une force neutre d'ici à décembre pour combattre les groupes "négatifs", dont le M23 et les FDLR. Les chefs d’Etats et de gouvernements membres de la CIRGL – 11 au total – peinent, à l’issue de quatre sommets tenus à Kampala, à mettre en place une Force neutre internationale. A la base plusieurs handicaps, dont son financement, ses effectifs…
Kléber Kungu
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