lundi 9 septembre 2013
Enquêtes dans huit pays, tous africains, avec une trentaine d’inculpés
Cour pénale internationale (CPI
Enquêtes dans huit pays, tous africains, avec une trentaine d’inculpés
La Cour pénale internationale (CPI), qui siège à La Haye, aux Pays-Bas, a ouvert des enquêtes dans huit pays, tous africains, avec une trentaine d’inculpés. Depuis son entrée en fonction en 2003, la CPI n’enquête que sur des pays africains, alors que les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, les motifs contre lesquels elle poursuit les personnes, sont commis aussi bien en Afrique que dans d’autres continents du monde. Ce qui lui vaut des critiques, notamment de l'Union africaine, qui l'accuse de mener "une sorte de chasse raciale".
Le Procureur de la CPI a ouvert des enquêtes en République démocratique du Congo (juin 2004), en Ouganda (juillet 2004), au Darfour au Soudan (juin 2005), en République centrafricaine (mai 2007), au Kenya (mars 2010), en Libye (mars 2011), en Côte d’Ivoire (octobre 2011) et au Mali (janvier 2013), tous des pays africains, pour des allégations des crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’auraient commis des personnalités politiques et militaires de ces pays. Plus d’une vingtaine seraient visées par des mandats d’arrêt lancés par la juridiction internationale.
Son bureau analyse également la possibilité d’ouvrir des enquêtes dans d’autres pays, y compris en Afghanistan, Colombie, Géorgie, Guinée, au Honduras, au Nigéria, en République de Corée et sur les Territoires palestiniens.
Commençons par le Kenya où, alors que doit débuter mardi 10 septembre le procès de son vice-président, William Ruto, et celui de son président, Uhuru Kenyatta, le 12 novembre, les parlementaires se sont prononcés en faveur du retrait de leur pays de la Cour pénale internationale.
Trois Kényans, dont les deux personnalités citées, sont poursuivies pour crimes contre l'humanité pendant les violences postélectorales de 2007-2008. Elles comparaissent libres et font l'objet de simples citations à comparaître.
Laurent Gbagbo, premier ex-président à La Haye
Tandis qu’en Côte d’Ivoire, c’est l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui est écroué à La Haye le 30 novembre 2011. Il est soupçonné de crimes contre l'humanité commis lors de violences post-électorales, entre décembre 2010 et avril 2011. Les juges ne se sont pas encore prononcés si oui ou non le procureur a recueilli assez de preuves pour mener à bien un procès. Aujourd’hui, ce prévenu est le premier ex-chef d'Etat remis à la CPI. Son épouse, Simone Gbagbo, fait également l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI, mais est toujours détenue en Côte d'Ivoire.
La Libye est le troisième pays africains où la CPI mène des enquêtes. Actuellement détenus en Libye, Seif al-Islam, fils de l'ex-dirigeant Mouammar Kadhafi, et l'ancien chef des renseignements libyens Abdallah al-Senoussi, font l'objet d'un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité commis pendant le conflit armé ayant conduit à la chute puis à la mort du colonel Kadhafi en 2011. A ce jour, la Libye et la CPI se disputent le droit de juger ces personnalités.
Au Soudan, six personnes, dont le président Omar el-Béchir, sont poursuivies dans le cadre de l'enquête menée au Darfour, région de l'ouest du Soudan déchirée depuis 2003 par une guerre civile. Le président soudanais, Omar el-Béchir, est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. En dépit de ce mandat, il continue à voyager à l'étranger sans être inquiété.
Le ministre de la Défense Abdel Raheem Hussein, le gouverneur du Kordofan méridional Ahmad Harun, et l'ancien commandant janjaouite Ali Kushayb, sont également poursuivies par la CPI, en plus de trois chefs de groupes rebelles du Darfour : Abdallah Banda Abakaer Nourain, Saleh Mohammed Jerbo Jamus et Bahar Idriss Abu Garda. Les deux premiers sont actuellement en détention à La Haye, en l'attente de leur procès ; les chefs d'inculpation pesant contre le troisième ont été levés en 2009.
La RDC avec six de ses citoyens
Pour la RDC, six de ses citoyens sont à La Haye pour différents crimes. Il s’agit de Germain Katanga, Mathieu Ngudjolo Chui et Thomas Lubanga, des chefs guerre et de milice congolais jugés à la Cour Pénale Internationale (CPI) pour sept chefs d’accusation de crimes de guerre et trois de crimes contre, de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de la RDC et leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), est jugé pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique (octobre 2002-mars 2003) où elle était venue soutenir les troupes du président Ange-Félix Patassé, en lutte à une rébellion de François Bozizé, le chef rebelle Bosco Ntaganda qui s'est livré en avril à la Cour. Il est soupçonné de crimes commis par les Forces patriotiques de libération du Congo en 2002 et 2003 en Ituri.
Le sixième est le chef des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), Sylvestre Mudacumura, contre qui un mandat d'arrêt a été émis en juillet 2012 pour des crimes commis dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu en 2009 et 2010.
Le 10 juillet 2012, Thomas Lubanga a été condamné à 14 ans de prison pour son implication dans l’enrôlement d’enfants soldats pendant la guerre civile en Ituri, en Province Orientale, qui aura occasionné mort d’hommes et destruction de villages dans cette partie de la RDC entre 2002 et 2003.
Alors que l'ex-chef de milice Mathieu Ngudjolo Chui avait été acquitté en décembre 2012 pour l'attaque d'un village en 2003, Germain Katanga, un autre ex-chef de milice est dans l'attente d'un jugement pour la même attaque.
Des présomptions de commission des crimes pèsent sur la République centrafricaine où la CPI suit attentivement la situation car il se révèle «que des crimes pouvant relever de la compétence de la Cour pénale internationale continuent d’être commis dans le pays, y compris des attaques contre des civils, des meurtres, des viols et le recrutement d’enfants soldats.»
En 2005, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre Joseph Kony et trois autres dirigeants de la rébellion de l'Armée de résistance du seigneur (LRA), notamment pour crimes contre l’humanité et d’une multitude de crimes de guerre, notamment de meurtre, d’enrôlement forcé d’enfants de moins de 15 ans, d’esclavage sexuel et de viol, commis entre 2002 et 2004.
« Chasse raciale »
En tout, une trentaine de personnes, toutes des Africains, ont depuis été inculpées par la CPI. Ce qui pousse les Africains de l’accuser de racisme, de ne s’en prendre qu’aux Africains, particulièrement aux dirigeants de l’Afrique.
En effet, le Gabonais Jean Ping, alors président de la Commission de l’Union africaine s’est insurgé le 29 juin 2012, lors du 17è Sommet des chefs d’Etat de l’UA à Malabo, en Guinée Equatoriale : « On a l’impression que la Cour pénale internationale ne vise que les Africains. Cela signifie-t-il que rien ne se passe par exemple au Pakistan, en Afghanistan, à Gaza, en Tchétchénie ? Ce n’est pas seulement en Afrique qu’il y a des problèmes. Alors pourquoi n’y a-t-il que des Africains qui sont jugés par cette Cour ?».
Le Sommet ne pouvait donc pas concevoir que tous les inculpés de la CPI soient des Africains, l’affaire n’a que trop duré. Selon le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, à alors président en exercice de l’UA, la CPI «a dégénéré en une sorte de chasse raciale» et «les dirigeants africains ne comprennent pas les poursuites contre les deux chefs de l’exécutif kényan». Aussi, se ralliant à sa cause, le Sommet a-t-il réclamé le transfert à la justice kényane des poursuites engagées par la CPI contre les président et vice-président kényans, Uhuru Kenyatta et William Ruto, pour crimes contre l’humanité.
La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, avait condamné cette attitude, le 28 mai dernier, considérant les critiques de l’UA comme une volonté de «protéger les responsables de crimes contre l’humanité».
Elle a argué que les enquêtes ouvertes en RDC, en Centrafrique, au Mali et en Ouganda l’ont été à la demande des Etats concernés, parties au Statut de Rome, fondateur de la CPI, les affaires concernant le Darfour et la Libye (non signataires), quant à elles, l’ont été à la demande du Conseil de sécurité de l’Onu, tandis que le procureur de la CPI s’est autosaisi sur les dossiers kényan et ivoirien. Un dossier scabreux qui s’annonce donc compliqué particulièrement entre le Kenya et la CPI. Le premier, par la voix de son Parlement, a demandé de se retirer de cette juridiction internationale qu’il juge très partiale.
Quoi qu’on dise de la CPI, qui a ses faiblesses, mais aussi ses points forts, elle est réduire les ardeurs de la plupart des dirigeants africains, dont les chefs d’Etat n’ont cure des droits humains. A la rescousse des plus faibles, la CPI aide quand même leurs voix étouffées par les plus puissants à se faire entendre.
Avec la CPI, tout dirigeant n’a plus droit de tout se permettre : car, l’on se dit, au final, il y a la CPI auprès de laquelle on est obligé de répondre de ses actes.
Mais pour balayer toute accusation de racisme, la CPI doit relever le défi de mener aussi des enquêtes dans des pays autres qu’africains, où des populations sont victimes de pires violences…
Kléber Kungu
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