Site de
transit de Maluku
Les refoulés de Brazzaville souhaitent retourner dans leurs milieux d’origine
C’est à 80
km de Kinshasa que se trouve le Centre d’instruction de Maluku transformé pour
la circonstance en site de transit des refoulés de Brazzaville. Près de
130 000 Congolais, toutes provinces confondues y ont pratiquement
transités, en provenance du stade cardinal Malula, commune de Kinshasa. Il en
reste aujourd’hui quelque mille. Qui y vivent dans des conditions précaires.
Mais comparées au calvaire qu’ils venaient de vivre au Congo Brazzaville, la
majorité refusent de retourner à « l’enfer », pour tout l’or du
monde.
Plus d’un
millier d’âmes vivent dans cet espace de quelques hectares : homme,
femmes, enfants. En dépit de l’état de dénuement dans lequel ils vivent après
avoir été dépouilles de tout ce qu’ils avaient de précieux à Brazzaville et
qu’ils ont amassé durant des années de dur labeur, ils se contentent de ce vécu
que la communauté humanitaire essaie de rendre vivable.
Une ration de quelques
produits alimentaires
Un vécu
composé d’une ration alimentaire composée d’huile végétale (50cl), d’une
quantité de 3 verres (sakombi) de haricots à chaque membre de famille, un verre
de sel, de l’eau vive (deux bouteilles) et de la semoule dont la quantité
dépend du nombre de membres de la famille. Et selon le Bureau de la coordination des
affaires humanitaires (Ocha), une usine de panification de Kinshasa s’est
engagée à assurer la fourniture des pains à ses compatriotes démunis. Caritas
met également la main à la pâte en leur distribuant également des vivres.
L’Unicef,
quant à elle, s’affaire à rendre le milieu vivable, pour que les mauvaises
conditions ne donnent le lit à des maladies de mains sales entre autres qui ont
pour capacité de rendre la vie invivable. L’adduction de l’eau et
l’implantation des toilettes au site restent le cheval de bataille de l’Unicef.
Qui est
aidée par l’OMS, l’UNFNUAP qui veillent au grain en ce qui concerne la santé
des pensionnaires du site de Maluku. Qui s’organisent et organisent leur
nouvelle vie comme ils l’entendent, selon les circonstances. Ici, ce sont
quelques enfants qui jouent, pendant que plus loin leurs mères préparent une
pitance qui ne rempliront peut-être pas leurs ventres flasques.
Des vieillards « alités »
Dans une grande
bâtisse où s’entassent plusieurs refoulés dont les familles sont séparées par
de simples linges sales et déchirés, mais dans une promiscuité favorable à la
propagation des maladies, nous
rencontrons quelques vieillards malades alités, pardon couchés à même le sol.
Que Martin Kobler essaie de consoler pendant quelques minutes.
A
l’extérieur, ce sont deux coiffeurs qui ne veulent pas perdre leur doigté dans
ce métier qu’ils exerçaient à Brazzaville « l’enfer ». Makambo est
l’un d’eux, la vingtaine, qui est arrivé au site depuis le 5 mai. Marié et dont
la femme est grosse, Makambo, dépité, nous raconte son calvaire, sous le
grésillement de son rasoir électrique, un client se faisant raser. Il regrette
avoir tout abandonné dans une ville où il voudra, malgré tout, retourner le
moment venu. Ce que d’autres refoulés aux alentours n’envisagent jamais de leur
vie, jurent-ils.
Plus loin,
Rachidi Ibrahim, un maçon de son état, raconte son calvaire à la presse,
papiers à conviction en mains, en compagnie de sa femme tenant un bébé. Selon
lui, ce jour-là, il reçoit un appel de sa femme qui l’informe qu’elle est
victime des tracasseries à la maison. Arrivé quelques instants à la maison, il
se voit déguerpir comme un voleur. A la clé, la police lui déchire tous les
papiers de séjour, il tente de lui présenter, avant de l’envoyer humer l’air
lugubre du cachot pendant plus d’une semaine.
En attente du
« rapatriement » dans la province d’origine
Un autre
garçon, originaire de l’Equateur, employé à une entreprise chinoise, déclare
être chassé de Brazzaville où il a passé 8 ans. Chassé à partir du chantier, il
a transité au cachot pendant 25 jours où
il a été victime des sévices et brimades corporelles. Marié à une femme du
Congo Brazzaville, il refuse d’y retourner pour tout l’or du monde. Ses co
refoulés et lui attendent impatiemment leur « rapatriement » dans
leur province d’origine.
Akambo
Bayeke, est un tradi praticien, 58 ans, qui a passé 12 ans à Brazzaville. Marié
et père de 5 enfants, il déclaré être chassé de sa maison à 5 heures du matin,
en abandonnant tout son avoir, et après avoir séjourné au cachot pendant 17
jours avec une pitance d’un demi-pain par jour. Il n’envisage jamais de
retourner dans cet « enfer » ; il compte se débrouiller bien
dans son pays.
Les
quelques cas énumérés représentent sans doute un petit échantillon de ce que
les compatriotes congolais ont vécu lors de leur refoulement musclé. L’accueil
que le gouvernement leur a réservé, combiné avec l’aide qu’ils reçoivent des
acteurs humanitaires sont parvenu à faire oublier quelque peu ce cauchemar et,
par conséquent, à panser ces plaies de toutes sortes de Brazzaville . Car même
les personnes vivant avec handicap n’ont pas été épargnées !
Kléber Kungu
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