Uvira, le malade aux mains des psychosociaux et des socioéconomistes
Une violée à qui les violeurs ont mis du sable dans tous les orifices
(De Kléber Kungu, envoyé spécial à Uvira/Sud-Kivu)
Parler du Sud-Kivu sans parler des cas de viols, c’est comme parler d’Irak sans évoquer ses nombreux et interminables attentats meurtriers quotidiens. Il y a trois mois, j’avais été au Sud-Kivu, principalement à Bukavu, où j’ai rencontré le Dr Denis Mukwege, de l’hôpital de Panzi, sans avoir rencontré ses pensionnaires : les violées. Cette fois-ci, je viens de voir deux violées à l’hôpital général de référence d’Uvira. La première, une jeune fille, du village de Kasonga, a été violée le 11 mai, par …5 garçons. Comme si le l’acte de viol ne suffisait pas, ses bourreaux bestiaux lui ont remis une prime : du sable dans tous les orifices de son corps (oreilles, yeux, nez, bouches et…) La seconde, mariée, et mère de 4 enfants, a, pour prime, le fistule…, après avoir été violée par 4 hommes. Elle est en voie d’être transférée à l’hôpital de Panzi, mondialement connu pour être le ‘’refuge’’ des femmes violées.
Nous sommes à l’hôpital général de référence d’Uvira, conduits par Bernadette Ntumba, numéro un de la Commission territoriale de lutte contre les violences sexuelles (CTLVS), en compagnie des médecins Mupepe Kumba (en charge des violées) et de Bitawa Bonde Gwisi (en charge du nursing).
‘’Voici une jeune fille violée par 5 garçons, vers 20 heures, alors qu’elle se rendait à des funérailles de ses deux cousins. Quelques jours après le viol, elle a reconnu 3 de ses bourreaux et deux sont aux arrêts », nous raconte Bernadette Ntumba. Le Dr. Mupepe Kumba ajoute qu’après l’avoir violée, les violeurs ont introduit du sable dans ses oreilles, son nez, ses yeux, sa bouche et son vagin. Nous rencontrons Mlle N., (c’est ainsi que je la nomme) en train de se faire arroser de l’eau sur la tête par ses parents. L’un de ceux-ci va nous indiquer que la victime a des céphalées.
La pauvre, ainsi que nous l’explique le médecin en charge des violées, doit être traumatisée à ce jour. D’autant qu’elle se rendait aux funérailles des deux de ses cousins avant d’être violée par 5 garçons. Déjà stressée par la nouvelle de ses cousins, Mlle N. va être violée sur le chemin de l’endroit où se tenaient les funérailles. Qu’on se rende compte de l’ampleur du traumatisme que les violeurs ont provoquée chez cette fille. Comme si cela ne suffisait pas, ils vont introduire du sable dans tous les orifices de la pauvre.
Une autre femme sera violée également par 4 hommes quand elle travaillait aux champs. Je l’ai vue, le visage attristé, l’air très absent, nous regardait très tristement, dans son lit, lorsque notre guide lui a dit qu’une équipe de journalistes de Kinshasa était là. Mariée et mère de quatre enfants, cette belle femme est aujourd’hui mal vue par son mari qui refuse de récupérer une épouse que des bandits ont violée…
15 cas de femmes violées dont un enfant de 3 ans
Des cas pareils, la cité d’Uvira et ses environs en compte de nombreux. CTLVS de Bernadette Ntumba y travaille en collaboration avec l’Hôpital général de référence d’Uvira. Il y a plus de 15 femmes violées ces derniers mois, dont la majorité sont des mineures, dont un enfant de…3 ans. Bernadette Ntumba nous fait remarquer que le phénomène accuse une recrudescence par rapport aux mois écoulés.
L’ONG de Bernadette Ntumba dispose de 15 maisons d’écoute à travers le territoire d’Uvira, dont deux de transit, chargées de recevoir les victimes et de les écouter. A ce jour, nous raconte le numéro un de CTLVS, il y a 13 cas à la justice. Mais elle regrette l’existence de nombreux cas de jugements non exécutés pourtant rendus. Ce qui, par voie de conséquence, rend les victimes très réticentes, estimant qu’il ne sert à rien à se mettre au grand jour et en devenant en plus victimes de menaces des auteurs de viols. En effet, lorsque les jugements rendus ne sont jamais exécutés, les auteurs se mettent à menacer leurs victimes, surtout lorsqu’on sait que ceux-ci (les auteurs) sont souvent relâchés aussitôt arrêtés. Bernadette Ntumba regrette que la juridiction ne respecte pas le délai de 4 mois pour exécuter un jugement rendu.
Par ailleurs, le travail de CTLVS butte entre autres au manque de médecins devant fournir des preuves lorsqu’il s’agit des victimes violées dans des endroits les plus reculés du territoire. En outre, dans beaucoup de cas, les victimes manquent d’actes de naissance. Dans la plupart de cas, les corpulences de victimes arrivent à tromper : une fille assez corpulente mais moins âgée peut se présenter comme très âgée. Cependant, qu’il s’agisse d’une enfant de 3 ans ou d’une centenaire, le viol reste le viol.
Stigmatisation et rejet des enfants issus de viol
Les enfants issus des viols souffrent beaucoup de stigmatisation et de rejet de la part des maris de leurs mères et même de la famille de ces maris.
Comme on peut le remarquer, c’est toute la famille ou toute la société qui reçoit le coup lorsqu’une femme est violée : le mari, les enfants, la famille, l’entourage de la victime en pâtissent. Quel enfant peut encore se sentir heureux d’être l’enfant d’une violée ? Est-on prêt à accepter de cohabiter avec une violée lorsqu’on est mari ? La famille du mari de la violée reste embarrassée lorsqu’un tel cas se produit… C’est pourquoi, il faut que les viols cessent et que les juridictions et toute la société s’impliquent pour décourager une fois pour toutes les violeurs.
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