L’éducation en RDC est-elle de qualité ?
(Un reportage de Kléber Kungu)
L’éducation en RDC est-elle de qualité ? La question est d’actualité. La réponse est d’emblée négative. Elle se susurre et le plus souvent elle se parle à haute voix sur plusieurs lèvres, aussi bien des acteurs de l’éducation que de la population en général, cible privilégiée. A ce jour, où le gouvernement Muzito II ne lui a alloué que 7, 2% du budget national, la descente aux enfers de l’éducation est loin d’arrêter sa course. Quelques acteurs de l’éducation nationale ont donné de la voix pour présenter leur position sur cette question. Chefs d’établissement du primaire et du secondaire, des enseignants de ce secteur, y compris des élèves, sont arrivés à une évidence : l’éducation en RDC est loin d’être de qualité. Tous sont aussi d’avis que l’éducation de qualité passe par certains préalables : payer décemment l’enseignant, le recycler régulièrement, équiper les écoles en matériels didactiques et en manuels scolaires, supprimer la prise en charge des enseignants par les parents qu’ils considèrent comme « une pratique honteuse », reprendre par l’Etat la prise en charge des enseignants…Des souhaits exprimés par ces acteurs du secteur de l’éducation que nous avons rencontrés dans leurs lieux de travail ou d’études.
A l’école primaire 1 Lukaya située au quartier 5 de la commune de N’djili, nous rencontrons le directeur Wamba Robert, 74 ans dont 48 ans de carrière. Il nous reçoit dans un bureau étroit où les documents et les livres scolaires, les cartes géographiques accrochées aux murs constituent la principale richesse. Lorsque nous lui demandons comment marche son travail, il lance, haut : « Il faut supprimer la prise en charge des enseignants par les parents. C’est un système très honteux qui n’honore pas notre pays ». Une entrée en matière qui annonce l’état d’esprit de ce directeur qui a vu de toutes les couleurs dans ce secteur qui ne veut pas le lâcher.
« Il n’ y a pas une éducation de qualité en RDC pour le moment, parce qu’il y a trop de laisser-aller », répond-il, courageusement à notre question de savoir s’il y a une éducation de qualité en RDC. Pour lui, pour sortir de cette situation malheureuse, « il faut assurer une existence décente à l’enseignant » qui, en bénéficiant d’un salaire décent, il va se donner en travaillant colle il se doit ». Conséquence, l’enseignement retrouvera ses lettres de noblesse d’avant l’indépendance.
Le dirécole Wamba reconnaît la qualité des programmes en vigueur dans l’enseignement, mais il faut supprimer la prise en charge des enseignants par les parents car faute de moyens de la plupart des parents d’élèves, les enfants sont régulièrement chassés de l’école et ne suivent pas régulièrement les cours. Il suggère également d’avoir à recycler régulièrement les enseignants pour attendre d’eux un bon travail.
La directrice de l’EP2 Lukaya, Mme Miafukama Mikunga, 63 ans avec 36 ans de carrière dans le secteur, qui nous reçoit dans son bureau avec pratiquement le même décor trouvé dans le bureau de son collègue, aborde dans le même sens, en ajoutant qu’ « il faut revoir les programmes » que les télévisions congolaises offrent à leurs téléspectateurs.
Avec une éducation de qualité, le pays aura à « se développer, la mentalité des gens va changer, le nombre de chômeurs va diminuer », a-t-elle proposé comme avantages d’une éducation de qualité.
L’enseignant ressemble à un vaurien
Mavambu Ndangi Simon, enseignant de 6ème primaire de cette école, 47 ans, dont 14 de service, estime qu’il « n’existe plus une éducation de qualité car l’agent principal qu’est l’enseignant est abandonné, rejeté par l’Etat au point de ressembler à un vaurien ». Pour y remédier, il opte pour la « restauration du système de recyclage des enseignants qui leur permettrait d’être à jour sur les matières à enseigner. » Il pense que l’Etat dispose de moyens pour y parvenir, mais il refuse de les appliquer. Quant aux avantages qu’aura la RDC d’avoir une éducation de qualité, il estime que le pays va acquérir de bons cadres devant le diriger, il y aura également la suppression des antivaleurs comme la corruptionet l’analphabétisme et les diplômes délivrés dans les universités congolaises ne seront plus refusés dans certains pays comme le Cameroun, le Gabon, les Etats-Unis d’Amérique.
En reconnaissant qu’il n’existe pas une éducation de qualité en RDC, Diakanua Samba, 55 ans, dont 33 de service, enseignant de l’EP1 Lukaya, pense que l’éducation de qualité passe par la mise sur pied un programme national que toutes les écoles sont tenues d’appliquer, il faut également « équiper les écoles en manuels, en matériels didactiques et en mobiliers avec des enseignants bien formés et recyclés. »
Il ajoute que le pays a besoin des « enseignants de carrière, ayant des qualifications requise pour enseigner à l’école primaire ou au secondaire où on a besoin des finalistes de l’UPN ».
Plusieurs machines et appareils électriques ornent le bureau de la direction scolaire de l’Institut technique professionnel (ITP) Tatamana à Masina. C’est dans ce bureau que René Mundala Matomisa, 52 ans révolus, dont 26 de service, préfet des études de cette école nous reçoit. Il sort de la salle de classe pour dispenser les cours. M. Mundala opte pour la suppression totale de la prise en charge des enseignants par les parents en améliorant le salaire, les conditions de vie et de travail des enseignants et des élèves. En déinitive, propose-t-il, il faut pousser l’Etat à prendre en charge les enseignants. Pour cet ingénieur électronicien, une éducation de qualité doit être tributaire des enseignants avec des qualifications scientifiques et méthodologiques. Et en définitive, le pays formera des hommes compétents ayant le savoir-être et le savoir-faire.
Gérard Munuana, la cinquantaine révolue, préfet des études du collège 1 Abbé Loya, à Ngiri-Ngiri, estime, qu’il est difficile d’assurer, à ce jour, une éducation de qualité, d’autant que l’Etat ne s’efforce pas à y parvenir, pendant que « l’école se donne beaucoup de peine pour faire en sorte qu’il y ait une formation de qualité ». Il souligne que « malgré cela, dans cette école, les enseignants dispensent quand même une formation de qualité aux élèves en vue de leur permettre de refléter une bonne image, non seulement de l’école, mais aussi du pays ».
Pour l’une des enseignants de cette même école, Mme Judith Bikalu, 40 ans, « avant qu’un enfant reçoive une éducation de qualité, il faudrait au préalable que l’enseignant soit bien formé tout en respectant certains principes de base d’une éducation ». Géographe de formation, Mme Bikalu ajoute qu’« assurer une éducation de qualité est également une tâche qui revient aux parents qui doivent accorder, de leur côté, une place importante à l’éducation, parce qu’une éducation de base se donne à la famille, donc les parents et les enseignants se complètent mutuellement » dans cette tâche si exaltante.
Les élèves ont également donné leur point de point sur cette question d’actualité. Patricia Yatalo, 16 ans, élève en 3ème année de la même école, se « réjouit d’étudier dans une école où il y a la discipline et une formation intégrale de l’homme » en estimant que cela la « différencie des autres » et espère qu’à travers cette éducation de qualité, elle sera un jour très utile à la société.
Matiti Mukwaba, 20 ans, élève en 5ème des humanités pédagogiques de cette école fait l’apologie de l’éducation dispensée dans son école. « Dans mon école par exemple, dit-il, malgré toutes les contraintes, les enseignants tiennent toujours à la rigueur. C’est ce qui, estime-t-il, qui justifie la qualité des élèves au collège1 Abbé Loya ». Il pense que pour mieux assurer une bonne éducation, il importe de mettre des moyens nécessaires en pensant à une remise à niveau des enseignants et restructurer le secteur de l’éducation pour une meilleure formation des enfants afin de remédier à certaines pratiques de la délinquance qui ravage la ville de Kinshasa. L’élève ajoute que l’Etat congolais devrait également accorder une place importante à l’éducation nationale pour assurer une relève des personnes de qualité visant le développement du pays.
De bonnes déclarations faites par les acteurs de l’éducation qui vivent au quotidien les réalités malheureuses d’un secteur, pourtant capital pour le développement d’un pays, mais devenu le cadet des soucis des dirigeants de la RDC. Jusqu’où va aller l’écho des voix des acteurs de l’éducation ? Atteindra-t-il le destinataire ? Leur message l’émouvra-t-il ?
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