Bukavu livre ses autres secrets
Des sacs, des chaussures, des ceintures en cuir de Capa (2)
(Par Kléber Kungu)
Le Centre d’apprentissage professionnel et artisanal (Capa) de la Communauté baptiste au centre de l’Afrique (CBCA), appuyé par le Conader et le Bureau international du travail (BIT) nous livre ses nombreux et intéressants secrets. Nous y découvrons ses maroquiniers, ses menuisiers, ses garnisseurs, ses fabricants de guitares sèches et électriques, ses mécaniciens, ses ajusteurs, ses couturières, pour la plupart des démobilisés devenus très utiles à la société. Nous les découvrons travaillant avec beaucoup de joie, avec une grande volonté.
Le Centre d’apprentissage professionnel et artisanal (Capa), fondé en 1982, a la charge de la formation, du recyclage, l’insertion des finalistes du secondaire et de la réinsertion socio-économique des démobilisés, des ex-enfants soldats, des jeunes désoeuvrés, avec pour grande caractéristique la formation à l’auto emploi. La formation fondée sur le tas et basée sur la pratique est pour une durée de 6 mois. Capa a déjà formé 80 démobilisés en différents métiers.
Plusieurs métiers sont organisés au Centre, à savoir la coupe et couture, la cordonnerie, la maroquinerie, la menuiserie, l’automobile, l’ajustage.
Ici, un grand nombre d’activités son organisées. A la coupe et couture, une dizaine de femmes s’y activent à apprendre à couper et à coudre. Nous y rencontre Mme Basele, une démobilisée qui ne cache sa joie d’apprendre ce métier après avoir quitté le service militaire. « La formation se passe très bien, nous a-t-elle confiée, accrochée à une machine à coudre. Je viens de faire 1 mois et deux semaines de formation et c’est moi-même qui est cousu le libaya [le camisole, NDLR] que je porte », a-t-elle ajouté dans un lingala de militaire.
Nous serons émerveillés davantage lorsque nous atterrissons dans la fabrique des guitares. Accrochées à des cordes sur le plafond, une quinzaine de guitares pendent alors que quelques jeunes hommes s’affairent à en fabriquer d’autres dans une ambiance de cliquetis d’instruments. Mugomoka est le formateur qui nous reçoit, très détendu. « Il y a des guitares sèches et électriques que nous fabriquons nous-mêmes. Notre marché est les Eglises, les orchestres locaux », nous confie-t-il. Une guitare coûte à partir de 100 dollars américains, selon la qualité. Les guitares portent les noms de son fabricant.
A la menuiserie, c’est une autre ambiance de bruits d’instruments de menuiserie mêlée à la poussière et à l’odeur du bois qui nous accueille, que des ordres des formateurs et des voix des apprenants viennent à étouffer de temps à autre. On y fabrique des meubles, des armoires, des œuvres d’art, des horloges, des bancs et des pupitres scolaires, des chaises, Papa Kikukana Dikuta Nestor, 50 ans, est en train de raboter une planche lorsque nous sommes devant lui. Charpentier et ‘’coffretier’’, ce démobilisé y travaille pour son propre compte après y avoir été formé.
Il va nous raconter brièvement sa vie de militaire avant sa démobilisation. « J’étais enseignant avant d’être recruté de force dans le mouvement Maï-Maï de Padiri. J’étais dans la première région militaire. Lorsqu’on m’a demandé d’être démobilisé, je n’ai pas hésité de quitter. Originaire de Shabunda, j’ai commencé dans ce mouvement en 1998 avant d’être démobilisé en 2006 », nous raconte-t-il, sans interrompre son travail. Et lorsque nous lui demandons s’il n’est plus tenté de rentrer à la vie militaire, sa réponse est un non catégorique. « Je resterai toujours civil. J’aime ce que je fais car je ne manque pas 10 dollars dans ma poche »
Mparany Zozo est aussi un démobilisé qui, après avoir appris l’ajustage, est devenu formateur au Centre de Capa. Lui est un ancien du RCD, recruté à Goma en 1998, où il a passé 10 ans. « J’avais quitté l’armée, nous confie-t-il, car j’avais réalisé que j’étais en train de mourir pour rien. Aujourd’hui, je suis devenu ajusteur soudeur et je suis en train de gagner ma vie. Je ne suis plus tenté de rentrer dans l’armée ».
Ici, on fabrique des portes, des fenêtres, des brouettes, des châssis de véhicule qui trouve beaucoup d’acheteurs dans la ville de Bukavu.
Le Centre accepte tout apprenant, en dehors des démobilisés, pour éviter la discrimination, nous a précisé son directeur, Vital Banyesize.
Des sacs, des ceintures … en cuir de qualité fabriqués à Bukavu
C’est à la maroquinerie que nous sommes très impressionnés. Les produits que nous y trouvons sont tels que nous nous y précipitons. Nous sommes devant des sacs (hommes et femmes), des chaussures, des ceintures, des étuis de téléphones portables…en cuir, les uns et les autres fabriqués par des … démobilisés. Ceux qui troqué leurs uniformes contre des salopettes. Des beaux produits façonnés par des mains qui, quelques temps plus tôt, ont porté du sang…
Nous sommes devant Kasazi Cihaze Neto, formateur en maroquinerie. Il nous raconte sa vie sous les drapeaux. « J’étais d’abord policier à l’époque de M’zee, puis dans le groupe de Yakutumba où j’ai fait une année. Pendant tout ce temps, je ne pensais qu’à mes enfants », nous raconte-t-il devant des sacs d’hommes en cuir. Aujourd’hui, je suis maroquinier et formateur. Je fabrique des sacs et je gagne bien ma vie, j’ai des enfants à l’université. Je viens de faire 2 ans et je n’ai aucune envie de rentrer dans le service militaire », déclare-t-il entre des commandes de sacs des Kinois.
Toutes ces ONG qui encadrent bon nombre de démobilisés, c’est-à-dire qui les aident à oublier la vie de sang, méritent mieux de la part du gouvernement soulagé par le travail bénéfique abattu par elles. Le travail abattu par les démobilisés constitue un bon départ pour des PME dont le pays a grandement besoin. Malheureusement, les préoccupations sont ailleurs…
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