Le règne éphémère de Djotodia
Ne peut exercer le pouvoir qui veut
1 600 militaires français de l’opération Sangaris,
4 700 soldats africains de la
Misca… Toute la thérapeutique concoctée par la communauté
internationale aura donc été insuffisante pour guérir la maladie dont souffrait
Centrafrique. Une maladie que ceux qui présidaient à sa destinée étaient
incapables de soulager les souffrances des Centrafricains. Il fallait donc plus
que cela. Les chefs d’Etats de la
Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale
(CEEAC), à la leur tête, Idriss Déby, président en exercice de l’institution
sous-régionale, ont pris donc le taureau par les cornes en poussant à la
démission les deux frères ennemis, Michel Djotodia (président par interim) et Nicolas Tiangaye (Premier ministre) qui,
depuis mars 2013, ont été capables de se haïr. Face à un homme à qui le
pouvoir est très vite apparu comme un fardeau trop lourd à porter, et dont il
ne sait plus comment se débarrasser et à la montée inquiétante de l’insécurité
dans le pays, une
seule option était plausible : la démission forcée.
« On
ne peut pas laisser en place quelqu’un qui n’a pu rien faire, qui a laissé
faire ». Cet avertissement de François Hollande lâché le 8 décembre
retentit encore aujourd’hui dans les oreilles de Michel Djotodia et de Nicolas
Thiangaye, poussés à la démission et par les chefs d’Etats de la Communauté économique
des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) réunis en sommet extraordinaire
à N'djamena, et
la communauté internationale.
L’heure
était donc grave à Bangui, où la sécurité, la stabilité et la paix restent
introuvables, tellement la graine du soupçon a été semée partout. Le pouvoir de
Djotodia s’étant révélé incapable de remplir la moindre fonction unificatrice
dont les Centrafricains ont besoin. L’équipe Djotodia s’est illustrée par une incompétence
notoire, une passivité coupable devant le drame qui endeuillait chaque jour le
pays.
Les scènes de liesse des milliers de Centrafricains observées dans les rues de Bangui à l’annonce de la démission de Michel Djotodia, accusé par la communauté internationale de passivité face aux violences interreligieuses dans son pays, restent révélatrices de la cote d’impopularité dont jouissait cet homme auprès d’un peuple lassé de se voir diriger par un président incapable de maîtriser des rebelles de la Séléka qui l’ont porté au pouvoir qu’il n’a pu exercer ( ?) que pendant quelque 10 mois, livrant ainsi son pays à une insécurité totale.
Les scènes de liesse des milliers de Centrafricains observées dans les rues de Bangui à l’annonce de la démission de Michel Djotodia, accusé par la communauté internationale de passivité face aux violences interreligieuses dans son pays, restent révélatrices de la cote d’impopularité dont jouissait cet homme auprès d’un peuple lassé de se voir diriger par un président incapable de maîtriser des rebelles de la Séléka qui l’ont porté au pouvoir qu’il n’a pu exercer ( ?) que pendant quelque 10 mois, livrant ainsi son pays à une insécurité totale.
En mars
2013, Michel Djotodia venait en effet d’accéder à la tête du pays après avoir
chassé son prédécesseur François Bozize, grâce à un conglomérat de rebelles
musulmans, avec la bénédiction et des Français et du Tchadien Idriiss Déby,
qui, 10 mois plus tard, sentant la barque RCA prendre de l’eau de toutes parts,
n’a pas hésité à jouer un rôle de premier plan pour la sauver.
Un parrain
dont le courage politique mérite d’être salué pour avoir placé en priorité les
intérêts des Centrafricains. D’autant plus qu’il est établi que les dirigeants
africains ont la triste réputation de se porter régulièrement secours entre eux
même lorsque la situation est désespérée.
Le président tchadien a rejeté en
bloc la responsabilité de la crise sur les politiques centrafricains.
"S'il y a eu échec, c'est celui de la classe politique dans son
ensemble", a-t-il lancé jeudi soir aux membres du CNT.
"La transition
n'a pas fonctionné comme on le veut. Les autorités qui ont la charge de mener
cette transition n'ont pas pu répondre aux attentes des Centrafricains et de la
communauté internationale, dont les plus importantes sont l'ordre et la
sécurité", a-t-il accusé.
La
démission des dirigeants centrafricains, c'est aussi une victoire diplomatique
pour le Tchad, qui a joué un rôle décisif en convoquant le sommet
extraordinaire de N'Djamena et en faisant venir hier, par avion, les 135
membres du Conseil national de transition (CNT), parlement provisoire
centrafricain. Dès l'ouverture du sommet, le président Deby avait d'ailleurs
directement mis en cause l'équipe de Michel Djotodia dans la spirale des
violences interreligieuses en RCA.
Au-delà
de tout cela, il y a lieu de saluer également l’initiative courageuse de la CEEAC qui n’a pas attendu
l’intervention traditionnelle des Nations unies ou de l’Union africaine pour
trouver une solution au problème centrafricain. Idriss Deby a estimé qu’il
était important de traiter le problème centrafricain en interne, en famille.
Retour de la stabilité ?
Après
la démission de Michel
Djotodia et de son Premier ministre, si elle était attendue, peut-on s’attendre
pour autant au retour à la stabilité pour la RCA, un pays qui n’a véritablement pas connu de
stabilité durable ? Il est plus tôt de répondre à l’affirmative d’autant plus
que lui-même le président par intérim démissionnaire avait avoué ne pas avoir
le contrôle des rebelles de la
Séléka qui l’ont pourtant porté au pouvoir+. Le président
centrafricain était accusé par les habitants chrétiens d'avoir laissé les
ex-rebelles, majoritairement musulmans, se livrer à des pillages et à des
exactions. Constitués en milices anti-balaka ("anti-machettes"),
certains d'entre eux ont riposté en s'en prenant à la communauté musulmane.
Donc,
il est évident qu’en ce moment, il ne suffit pas de démettre le président
Djotodia pour que la sécurité revienne d’un coup en Centrafrique.
La France, ancienne puissance coloniale qui a milité
pour une intervention internationale afin de faire cesser les violences, a
aussitôt demandé un remplacement "dans les plus brefs délais" de
Michel Djotodia. Elle a appelé, par conséquent, à l’organisation des élections
avant la fin de cette année.
Pour l’instant, selon la Constitution
provisoire centrafricaine, c’est le président du CNT qui assure un intérim, de
15 jours maximum, le temps d'organiser l'élection d'un nouveau président par le
Conseil.
Dans cette
étape transitionnelle, le moment est venu pour que la Centrafrique présente
les meilleurs de ses filles et fils qui auront pour mission de bien conduire la
barque pour qu’enfin s’ouvre une nouvelle page qui doit conduire les
Centrafricaines et les Centrafricains à des élections qui mettront en place des
dirigeants capables d’offrir ce qui maque au pays : la paix, la sécurité,
l’unité, la réconciliation entre Centrafricains.
Ironie du
sort, Michel Djotodia est rentré dans son exil béninois aussitôt le sommet de la CEEAC terminé où il était
quelques années plus tôt, sous la menace de François Bozizé. Celui-ci l’y
attend, peut-être pour coaliser en vue d’un autre putsch commun.
Dans son
exil, Michel Djotodia doit retenir une chose : prendre le pouvoir par les
armes, c’est une chose. L’exercer, en est une autre, qu’il n’a malheureusement
pu faire. Car, ne peut exercer le pouvoir n’importe qui ni n’importe comment.
Les chefs d’Etat centrafricains depuis 1960
1. David
Dacko
1960-1966
Premier président après l’indépendance du pays obtenue par
son cousin Boganda
2. Jean-Bédel
Bokassa (Bokassa 1er
à partir de 1977)
(1966-1979)
Neveu de Boganda et
cousin de David Dacko, il le renverse, se fait proclamer président à vie puis
empereur en 1979.
3. David Dacko
(1979-1981)
Remis au pouvoir par
les Français qui renversent Bokassa 1er.
4. André Koligba
(1981-1983)
Il suspend la Constitution et
instaure un régime une dictature militaire jusqu’en 1991.
5. André Félix
Patassé
(1993-2003)
Elu et réélu
démocratiquement, il ne réussit pas à ramener l’ordre dans le pays malgré
l’aide de Kadhafi.
6. François Bozizé
(2003-2013)
Ancien homme fort du
régime de Patassé, il renverse celui-ci avec l’aide du Tchad. Les conflits
armés locaux se multiplient. Il sera évincé par Michel Djotodia.
7. Michel Djotodia
(mars 2013- janvier
2014)
Porté au pouvoir par
les rebelles de la Séléka
qui renversent François Bozizé, il ne parvient pas à s’imposer et est forcé de
démissionner le 10 janvier 2014.
De 6 chefs d’Etat qui
ont déjà présidé aux destinées de la République centrafricaine depuis son indépendance
en 1960, deux seulement ont accédé au pouvoir sans coup d’Etat : David
Dacko I et Ange-Félix Patassé.
Kléber Kungu
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