Coup de chapeau aux parlementaires centrafricains
Et si l’on essaie une femme, après avoir échoué avec les hommes !
Les
135 membres du Conseil national de transition (CNT), parlement de transition de
la Centrafrique
méritent coup de chapeau après avoir pris le risque de placer à la tête de leur
pays, écartelé par une crise politique très sanglante, une femme, Catherine
Samba-Panza, parmi 7 autres candidats, même
pour une transition, pour essayer de relever d’énormes défis que Michel
Djotodia, était incapable de relever. Après avoir essayé des hommes et échoué
avec eux, les parlementaires centrafricains ont pris le risque d’essayer avec
une femme qui doit diriger un pays avec plusieurs grands défis. Quelle gageure
et quelles responsabilités sur des épaules féminines !
«Les hommes
ont tous échoué: il est temps que l'on essaie une femme», dit une de ces dames
en robe traditionnelle. «Les femmes sont plus pragmatiques, elles sont plus
énergiques. Nous avons de l'espoir.» Voilà ce cri du cœur d’une femme qui a déclenché
le patriotisme des parlementaires pour qu’ils jettent leur dévolu sur cette
femme dont tous reconnaissent le sens élevé d’écoute, de dialogue et de
persuasion.
Catherine
Samba-Panza, élu présidente par intérim, devient la troisième femme africaine présidente,
après Joyce Banda du Malawi et Ellen Johnson Sirleaf
du Liberia.
Ancienne
maire de Bangui, capitale de la
République centrafricaine, le nouveau président de transition
centrafricain, a été l’un de 8 candidats à postuler à la magistrature suprême,
avant de rester en course, pour le second tour avec Désiré Kolingba, fils de l’ancien
président centrafricain, André Kolingba.
En
l’élisant à 75 voix contre 53 pour Désiré Kolingba sur 128 parlementaires
participants, les parlementaires centrafricains n’ont pas hésité de prendre le
risque de confier la destinée de leur pays à une femme. Catherine Samba Panza a
failli être élue dès le 1er tour. Elle avait recueilli 64 voix, soit une voix
de moins que la majorité absolue fixée par le CNT à 65 voix. Désiré Kolingba
avait quant à lui obtenu 58 suffrages.
Un choix
très risqué que sous d’autres cieux aucun autre parlementaire, pardon honorable
député, n’aura pris. Le CNT a privilégié l’intérêt national au détriment des
intérêts mesquins et individuels qui auraient poussé ses membres à des
pratiques qui sont tout sauf démocratiques.
Tout
l’honneur à ces « honorables » qui n’ont pas bradé leur honorabilité
et qui, devant l’intérêt national, ont préféré émettre sur un même diapason.
Aussitôt sa
victoire annoncée, Catherine Samba-Panza a salué l'élection d'une «fille, d'une
mère et d'une sœur de Centrafrique ; c'est un événement de portée
historique, qui s'inscrit dans les annales de ce pays». Elle a aussi appelé les
diverses milices à déposer les armes. «Je lance un appel vibrant à mes enfants
Anti-Balaka, en leur nt demandant de donner un signal fort de déposer les armes.
À mes enfants ex-Séléka, je leur demande de déposer les armes.»
Voilà les
défis prioritaires qu’elle est appelée à relever. Demander aux frères ennemis
« Anti-Balaka » et les ex-Séléka de déposer les armes est une chose.
Cependant, arriver à créer un climat de confiance et d’amour entre ceux qui
hier s’entretuaient, voilà le défi majeur que le successeur du malheureux
Michel Djotodia doit relever.
Dans un pays
qui a sombré dans un cycle de violence infernal depuis la prise de pouvoir de
l'ancien membre des rebelles de la
Seleka, Michel Djotodia, l'ancienne maire de Bangui symbolise
l'espoir, la bouée de sauvetage.
Catherine
Samba-Panza aura à faire la course à la
montre. Elle aura très peu de temps pour préparer les élections en 2015 (voire
en 2014 comme le souhaite la
France) et pour jeter les bases d'une politique destinée à
remettre en route un pays à genoux et secoué par une extrême violence.
Trois défis majeurs
Face à plusieurs défis, la nouvelle
présidente aura à s’attaquer en priorité à trois défis : la sécurité, une
aide humanitaire d'urgence, rétablir les structures administratives et remettre
en marche l'économie.
Sans nul
doute, l'arrêt des violences sera un défi d'envergure... et le plus urgent. Le
désarmement et le retour de la sécurité seront les priorités. Pour faire
revenir la sécurité et pour la sécurisation des élections à venir, la
présidente par interim doit compter aussi bien sur les forces internationales,
mais aussi l’implication des chefs des anti-balaka et des ex-Seleka.
En raison
des déplacements massifs de population provoqués par les violences -près d'un
million de personnes ont fui leurs foyers en Centrafrique depuis fin mars 2013
et environ 2,6 millions de personnes, soit la moitié de la population, ont
besoin d'aide humanitaire, la fourniture d’une aide humanitaire d'urgence reste
la 2ème priorité.
A ce sujet,
des nouvelles intéressantes arrivent de la communauté internationale qui,
réunie à Bruxelles, s'est engagée à débloquer près de 500 millions de dollars.
Rétablir
les structures administratives et remettre en marche l'économie reste le 3ème
défi.
Depuis la chute de François Bozizé, le pays est quasiment
ingouvernable et les structures administratives inexistantes. Les écoles, les
services de santé, les bâtiments administratifs, les tribunaux, les prisons, la
police... sont complètement (ou quasiment) détruits. Les fonctionnaires ne sont
pas payés ou au compte-goutte.
Devenue le
7e président de la RCA
depuis l'indépendance du pays en 1960, Catherine Samba-Panza n'a été élue que
pour un poste de transition qu'elle est censée abandonner dès que des élections
générales seront organisées, et auxquelles elle n'aura pas le droit de
participer.
Après
Ange-Félix Patassé en 1993, c'est le second chef d'État centrafricain à être
issu d'un processus relativement démocratique, les autres ayant tous accédé au
pouvoir par un coup d'État. Les titulaires du poste se succèdent depuis un an.
François Bozizé avait été déposé par les rebelles de la Séléka en
mars 2013. Son successeur, Michel Djotodia, placé au
pouvoir par la Séléka
avant de devenir président de transition, a été évincé
le 11 janvier par le sommet des chefs d'État de N'Djamena.
Remettre
sur les rails un pays totalement détruit par ses propres fils, rassembler tous
les Centrafricains, chasser le démon des rivalités sanglantes entre musulmans
et chrétiens, … des défis qui semblent trop lourds pour des épaules féminines
de Catherine Samba-Panza, 59 ans.
Femme de caractère
C’est mal
connaître cette femme de caractère née d'un père camerounais et d'une mère
centrafricaine, qui a été nommée mairie de Bangui par…celui qu’elle remplace –
Michel Djotodia. Alors qu’elle n'était
pas le candidat initialement préféré par les parrains de cette élection, sa forte personnalité, son expérience du monde des affaires, ayant
été longtemps à la tête des filiales centrafricaines de plusieurs compagnies
d'assurance française, font finalement d'elle une candidate relativement
acceptable à la tête d'un pays déchiré.
Catherine
Samba Panza jouit d’une certaine considération aussi bien de la part des
ex-Séléka que des Anti-Balaka. Pour avoir été nommée par Michel Djotodia, la
nouvelle présidente de la RCA
jouit de la considération des ex-Seleka qui sont loin de la considérer comme
une ennemie.
Du côté des
Anti-Balaka, qui récusent la légitimité du CNT, nommé à la suite d'un accord
avec la Séléka,
Catherine Samba-Panza ne constitue pas non plus « persona non grata ».
Pour être bien certain que ces miliciens n'allaient pas une fois encore faire
dérailler les plans par une attaque surprise sur Bangui, la France et
la Fomac avaient séquestré pendant la nuit les principaux
responsables du mouvement, convoqué à M'Poko sous le prétexte d'une réunion.
Libérés aujourd'hui, ils n'ont jusqu'à présent pas manifesté d'hostilité trop
marquée envers la première femme élue à la présidence de la Centrafrique.
Kléber Kungu
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