mardi 4 juin 2013
Kyung-wha Kang chez Dr Mukwege
Sous-secrétaire générale des Nations unies chargée des affaires humanitaires
Kyung-wha Kang chez Dr Mukwege
(De Kléber Kungu, notre envoyé special au Nord-Kivu et Sud-Kivu)
“ Je remercie le Dr Mukwege qui a été une très grande inspiration pour tous ceux qui essaient d’apporter une assistance aux populations congolaises qui ont souffert pendant de très longues années de conflits, particulièrement les femmes qui ont été victimes des violences sexuelles. Je me demande ce que deviendra la population sans des gens comme le Dr Mukwege envers qui je suis particulièrement reconnaissante… », a déclaré la sous-secrétaire générale des Nations unies chargée des affaires humanitaires et coordinatrice adjointe des secours d’urgence, Kyung-wha Kang, au sortir d’un entretien à huis clos avec celui qui a pour travail noble la réparation des sexes des femmes violées.
Ce mercredi, Kyung-wha Kang venait de s’entretenir à huis clos pendant une quarantaine de minutes avec Dr Denis Mukwege. Un entretien appuyé par des visites guidées des différents projets de la Fondation Panzi initiée par Dr Denis Mukwege. Des projets implantés dans le quartier Panzi, d’où ils tirent leur dénomination et appuyés par plusieurs ONG internationales, dont l’Unicef, ACDI, ALT, Osisa, BCDH.
La Clinique d’assistance juridique, Aire des jeux, Maison Dorcas, trois des projets de la Fondation Panzi que la sous-secrétaire générale des Nations unies en charge des affaires humanitaires et sa suite ont visités en compagnie de leur initiateur. De sa voix posée, Dr Denis Mukwege a expliqué et montré à ses hôtes le travail qu’il fait des décennies durant ou les services qu’il rend à son pays en mettant à la disposition des femmes et jeunes filles, dont la vie a été brisée par la cruauté d’autres compatriotes, sa magnanimité qui leur permet de croire encore à une vie sur terre.
Ils sont de tous les âges, ces enfants abandonnés par leurs parents
« Il y en a de tous les âges : bébés, préscolaires, en âge de scolarité (…). Leur avenir nous préoccupe beaucoup car ils sont abandonnés à leur triste sort. C’est pourquoi il y a des enseignants pour les enseigner en vue d’éviter qu’ils deviennent des enfants de la rue. Nous devons leur dire qu’ils sont de Bukavu, même s’ils n’ont plus de parents », annonce Dr Mukwege. Ils sont près de 130 ces enfants abandonnés par leurs parents puisque issus de viols.
Nous les rencontrons en train de prendre de la bouillie, dans ce centre baptisé « Aire des jeux » où ils apprennent à jouer, pardon à vivre comme s’ils ont encore des parents. Au « Bon appétit » que leur souhaite paternellement Dr Mukwege, ils répondent joyeusement « Merci ». Oui, en arrivant, il les salue paternellement en swahili, « jambo ». Kyung-wha Kang sort de ce centre en encourageant les enseignants
Ce philanthrope trempé dans un patriotisme exemplaire est fier de son travail, des résultats de ces enfants. « Ce qu’ils attendent, c’est d’être soutenus car leurs résultats sont bons », rassure-t-il.
La Maison Dorcas, créée en 2003, est un centre qui héberge les survivantes de violences sexuelles désireuses de retourner à l’école, mais surtout rejetées par leurs maris, sans ressources, désireuses d’apprendre un métier pour vivre. Elles y apprennent à lire et à écrire, certains métiers pour les rendre utiles à la société, quelques notions de management des affaires.
Dix ans plus tard, Dr Mukwege se réjouit que les résultats soient palpables : quelques-unes sont à l’université, il y en a qui sont devenues des infirmières et d’autres sont en Europe. Ici, c’est avec beaucoup de fierté et d’affection paternelle que Dr Mukwege prend dans ses bras l’une d’elles qui est entrée au centre à l’âge de 6 ans et aujourd’hui elle peut lire et écrire. En dix ans d’existence, le Centre a déjà encadré environ 250 pensionnaires.
Réparer les préjudices subis
SoigneR physiquement, économiquement les victimes des violences sexuelles, est une bonne chose. Mais il faut également réparer les préjudices subis en punissant les auteurs de ces actes ignobles. Voilà l’existence de la Clinique d’assistance juridique qui va voir jour en 2009 pour répondre aux multiples demandes des victimes des violences sexuelles qui, après avoir été soignés par Dr Mukwege à l’hôpital Panzi revenaient vers lui pour lui demander ce qu’elles devraient faire pour traduire en justice leurs bourreaux qu’elles venaient parfois de retrouver.
Le travail de sensibilisation est tel qu’aujourd’hui le travail avance avec beaucoup espoir, même si le phénomène ne faiblit pas : il y a plus de 1 200 demandes en justice introduites, dont 606 dossiers introduits, 180 jugements rendus, 180 dossiers clôturés par réconciliation, voilà le bilan dressé par Maître Thérèse Kulungu, coordinatrice des projets à la Clinique d’assistance juridique en 4 ans d’existence de cette structure juridique de la Fondation Panzi devant Kyung-wha Kang.
Sur place, la coordonnatrice du projet Clinique d’assistance juridique a montré un de père, le colonel Doms, et son épouse et sa fille violée à l’âge de 5 ans, alors qu’elle a aujourd’hui 7 ans, et dont le bourreau est en prison. Aujourd’hui, il y a 200 survivantes à qui l’on va remettre de kits pour réparation….
La Clinique dispose de 2 volets : juridique (concernant la sensibilisation) et judiciaire avec 8 antennes installées à travers la province animées par des para juristes.
Dr Denis Mukwege et sa Fondation mènent un combat sur plusieurs fronts pour vaincre le phénomène dégradant de viols, mais qui a encore de beaux jours devant lui. La raison, Dr Mukwege l’évoque : c’est l’absence de paix. « Nous avions fait un plaidoyer pour la paix. Aujourd’hui, l’Accord d’Addis-Abeba est la dernière chance pour la population congolaise de retrouver cette paix que nous avons manquée depuis bientôt 20 ans que nous sommes dans un cycle de violences qui n’en finit pas », regrette-t-il au sortir de l’entretien avec Kyung –wha Kang.
« La solution, c’est la paix »
« Lutter contre la violence sexuelle, on l’a fait pendant au moins 15 ans à soigner les conséquences et malheureusement on s’aperçoit qu’aujourd’hui on est en train de soigner des enfants issus du viol qui sont elles-mêmes violées à leur tour. Donc, ce que nous avons fait n’a pas été négligeable, mais ce n’est pas cela la solution. La solution, c’est la paix », ajoute le « réparateur des femmes violées ».
Le retour de la paix est l’affaire de tous les Congolais, des administrés aux dirigeants, de tous les bords, de toutes tendances politiques. « Notre engagement, nous tous, que ce soit la société civile, l’opposition, la majorité présidentielle, nous devrions travailler pour que cette paix arrive. Ce serait irresponsable, quelle que ce soit la personne de ne pas travailler pour que cet Accord puisse donner des fruits escomptés qui sont la paix. Si on a la paix, la violence sexuelle va s’arrêter certainement. Parce qu’on constate que le nombre de femmes violées augmente lorsqu’il y a des troubles dans la région », reconnaît-il.
Dr Mukwege, tout imbu de volonté et de patriotisme puisse-t-il être, se sent tout de même découragé, déprimé lorsque les viols deviennent comme héréditaires, de mère en fille. « Ma crainte est que si vous avez soigner une mère, vous l’avez aidée à accepter son enfant et qu’elle vienne 12 ans, 14 ans avec cet enfant qu’elle a accepté difficilement et que cet enfant soit également violée, c’est déprimant, pour moi et pour tout le staff. Nous nous demandons finalement le résultat du travail que nous faisons », déplore Dr Mukwege.
Etre en mission dans l’Est de la RDC, précisément à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, sans visiter Dr Denis Mukwege pour palper le travail qu’abattent cet homme et tout son personnel, à travers la Fondation Panzi, c’est refuser d’apprécier à sa juste valeur, la valeur du réparateur des femmes violées. Voilà pourquoi entre autres la sous-secrétaire générale des Nations unies chargée des affaires humanitaires et coordinatrice adjointe des secours d’urgence, Kyung-wha Kang a consacré plusieurs heures à cet homme et à ses réalisations.
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