jeudi 2 mai 2013
Comment un élève a retrouvé son enseignant 48 ans après
Grâce à l’évêché de Kisantu
Comment un élève a retrouvé son enseignant 48 ans après
(Un récit de Kléber Kungu, de retour de Lemfu/Kisantu)
« Ah ! Mambwini, merci d’être venu. » « Ah ! Maître Akela, je suis content de t’avoir retrouvé après tant d’années de silence ! ». C’est entrelacés l’un dans les bras de l’autre que l’élève et son enseignant se disaient ces paroles de manière presque inaudible. Il est 16h30 lorsque José Mambwini vient de retrouver l’homme qui l’avait enseigné en 1ère et 2ème années primaires à Kumbi, secteur de Gombe-Matadi, groupement de Kiluangu, district des Cataractes. Sous le regard intéressé de l’abbé Jean-Baptiste Nsuka de l’UPN et de la caméra de GKV. Récit d’une longue dizaine de minutes de retrouvailles inédites.
Ce lundi 29 avril, alors que je me prépare à rentrer à Kinshasa au terme d’un bref séjour à Mbanza-Ngungu, José Mambwini me téléphone pour me demander de l’accompagner à Lemfu, à une trentaine de kilomètres de Kisantu. But de la mission : rencontrer son ancien enseignant de 1ère primaire qu’il n’a plus revu depuis…1965 !
J’accepte la demande en fulminant intérieurement un peu de colère. Je suis loin d’imaginer la surprise, la bonne surprise, qui m’attend à Lemfu, ce village enfoui dans une forêt naturelle telle qu’on n’en rencontre très rarement dans ce pays. Je suis loin de m’imaginer que je vais être témoin privilégié d’inoubliables moments de retrouvailles d’un quelconque élève d’antan devenu aujourd’hui docteur en lettres, spécialité : civilisation et littérature latines, et enseignant d’université avec son enseignant de primaire.
La délégation quitte Kisantu, à bord de la Land-Cruiser de l’évêché de Kisantu. L’abbé Jean-Baptiste Nsuka, chef du département lettres et civilisations latines de l’UPN, accompagne José Mambwini. Celui-ci s’accompagne d’une équipe de sa télévision. L’Observateur tient également à immortaliser. L’événement le mérite bien.
Quelques coups de fil à l’enseignant suffisent pour informer cet enseignant. L’abbé Nsuka prend soin de l’informer, question de garder l’effet de surprise auquel tient José Mambwini. L’homme nous informe qu’il est au champ.
Lorsque nous nous arrêtons devant la belle maison de l’enseignant après près d’une heure sur une route en terre battue généralement en bon état, puisque entretenue régulièrement par l’Office des routes, l’épouse de l’enseignant, que José Mambwini ne reconnaît que par son sobriquet de Mabuse, nous informe que son mari est encore au champ.
Après plusieurs tentatives infructueuses de le joindre au téléphone, nous décidons d’attendre seulement son retour, après que madame l’épouse de maître Mabuse revenue chercher son époux nous informe qu’il sera là dans quelques minutes.
L’homme le plus recherché par Mambwini
Tout d’un coup, l’œil aux aguets, j’aperçois un homme, de bonne mine, pédalant sur un vélo. La courte chevelure me dit qu’il ne peut s’agir que de l’homme le plus recherché par José Mambwini. Oui, Keto Nzalengi Alphonse, Akela vient d’arriver. Il vient nous saluer après avoir déposé son vélo, un mouchoir en main s’épongeant un visage reluisant de bonne santé.
Diambu Mansita de GKV TV se met au travail, dans un entretien contextualisé avec la journée nationale de l’enseignement. Ainsi nous apprenons que l’homme à tête aux cheveux tout blancs est à un demi-siècle de sa carrière, ployant sous le poids de 71 ans d’âge. Mais l’homme n’en a pas l’air, lui qui a 11 enfants avec une dizaine de petits –enfants.
48 ans après, avec une mémoire victorieuse du nombre d’années, Maître Akela se rappelle les noms de quelques élèves, dont Mambwini qui, selon lui, dispose d’une télévision à Mbanza-Ngungu et qui lui avait promis de venir le voir, mais que cela ne s’était pas encore réalisé. L’homme est loin de s’imaginer que Mambwini dont il va citer le nom à plusieurs reprises se trouve à ses côtés.
Le suspense dure depuis quelques minutes lorsque Diambu pose cette belle question, prêt à pousser l’homme dans ses derniers retranchements. « Maître Akela, supportez-vous des émotions fortes ? » La réponse est surprenante. « Non, je suis hypertendu », répond M. Keto Nzalengi, d’une voix faible. Je me mets aussitôt à craindre que ce septuagénaire s’écroule des suites d’un AVC. Ce qui allait gâter une scène dont le dénouement s’annonce palpitant.
Diambu lui demande si ces anciens élèves lui ont déjà rendu visite. « Non, répond Me Akela, qui insiste sur un Mambwini qui lui a promis de le voir mais qui ne l’a pas encore fait…
Il faut mettre fin au suspense et GKV y parvient avec satisfaction lorsque le journaliste lâche ceci : « Ce Mambwini dont tu ne cesses de citer le nom et qui t’a promis de te rendre visite, le voici à tes côtés. »
Entrelacement émouvant
Comme un éclair, les deux hommes se mettent l’un dans les bras de l’autre, dans un entrelacement fort émouvant, se frottant légèrement les dos, alors que s’échappent de leurs bouches des paroles mielleuses, se remerciant l’un et l’autre. Une étreinte qui va durer une bonne dizaine de minutes. « Me Akela, me voici. C’est moi Mambwini que tu as enseigné les b-a-b-a, grâce auquel je suis aujourd’hui devenu docteur et professeur d’université. J’en suis très reconnaissant envers toi pour tout ce que tu as fait pour moi… » A ces paroles lâchées sous le coup de l’émotion, Me Akela répond par des simples, mais significatifs : « Merci, Mambwini. Je n’ai rien à vous donner. J’ai enseigné plus de 1 000 élèves, mais tu es le seul à venir me rendre visite. Que Dieu vous bénisse. » L’émotion est si forte que Me Akela flanche : quelques gouttes de larmes d’émotion échappent de ses yeux. Son élève le calme avant d’ajouter : « Mon rêve de venir te voir vient de se réaliser ».
16h39. Les deux hommes s’assoient sous le regard joyeux de l’abbé Nsuka et de sa délégation, ainsi que de la famille de Me Akela. « Je sais pourquoi tu me cherchais quand je fuyais l’école… ». Mambwini ne résiste pas à l’émotion forte. Sa voix s’étrangle… Quelques gouttes de larmes tombent sur sa chemise jaune. Reprenant le courage, José Mambwini enchaîne : « Maintenant, je suis en paix avec moi-même… »
Les moments qui suivent vont permettre l’élève et son enseignant à se rappeler les vieux souvenirs d’il y a 48 ans : des chansons, des noms des amis, des anciens élèves… Mambwini est si attaché à cet enseignant et si reconnaissant envers lui qu’il lui a réservé des pages entières dans son premier roman « Le combat d’un Congolais en exil. Réveils douloureux », publié en octobre 2012 aux éditions L’Harmattan et dont il lui a promis de lui remettre un exemplaire.
Keto Nzalengi alias Mabuse enseigne aujourd’hui en 6ème primaire à l’EP2 Vuayikonda de la CBCO. Parmi ses anciens élèves, le grand dessinateur Chéri Samba.
Les moments étaient si émouvants que j’aurais donné tout l’or du monde pour être à la place de Me Akela qui, 48 ans après, vient de rencontrer l’un de ses anciens élèves, dans une grande surprise pleine d’émotion…
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