mercredi 1 mai 2013
Ces enseignants septuagénaires qui ont encore le sourire
Journée de l’Enseignement
Ces enseignants septuagénaires qui ont encore le sourire
(Kléber Kungu, de retour de Lemfu/Kisantu)
Accompagnant la chaîne de télévision GKV TV de mon ami José Mambwini installée dans la cité de Mbanza-Ngungu, à 150 km de Kinshasa, j’ai rencontré des enseignants qui ont encore le sourire, prêts à travailler jusqu’au dernier souffle de leur vie. En dépit de toutes les mauvaises conditions de travail, âge de retraite dépassé, ces septuagénaires sont prêts à rendre encore des services à la Nation. J’ai rencontré Nseka zi Mayanga Clément, 79 ans, et Keto Nzalengi Alphonse, Akela ou Mabuse, 71 ans, à Lemfu. Deux modèles d’enseignants fiers d’avoir choisi ce beau métier.
Lundi 29 avril. Je me rends au petit séminaire de Lemfu, à 30 km de Kisantu, accompagnant José Mambwini, professeur à l’UK et à l’UPN et P.D-G de GKV TV et l’abbé Jean-Baptiste Nsuka, chef de département Lettres et Civilisations latines de l’UPN. L’évêché de Kisantu nous facilite le déplacement en nous offrant sa Land-Cruiser… José Mambwini prend soin de se faire accompagner de ses journalistes…
Une heure plus tard, nous atteignons le village Lemfu. Un village dont les maisons sont enfouies dans la forêt. Manguiers, safoutiers, papayers, bananiers, citronniers, orangers, mandariniers et autres arbres sauvages font bon ménage. Ce qui ne nous empêche pas de découvrir quelques maisons d’où pointent des antennes de télé.
Intéressé, José Mambwini envoie ses journalistes vérifier si sa télé est captée dans ce village. A la première maison, le propriétaire, la soixantaine, nous répond qu’il capte la RTNC, Antenne A et Raga après une pluie qui débarrasse le ciel de tout nuage.
A la deuxième maison, c’est un homme en singlet noir qui nous reçoit. Nous le surprenons en train de remplir des bulletins. C’est Nseka zi Mayanga Clément, un vieil enseignant de 79 ans, mais qui n’en a pas l’air.
Le poids de ses 50 ans de carrière et de ses 79 ans d’âge est loin d’avoir eu raison du physique de cet enseignant. Le sourire qui l’accompagne dans son travail est fort troublant et surprenant pour un travailleur dont les conditions de travail sont loin d’attirer d’autres candidats potentiels.
Cet enseignant qui a commencé « Notre beau métier » en 1961 après avoir terminé ses études à Sona-Bata, ne cache pas sa satisfaction en dépit des conditions très précaires du secteur de l’enseignement, dont l’impaiement.
Alors que d’autres enseignants auraient dit du mal d’un métier qui ne fait qu’appauvrir, maître Nseka n’a pas honte de nous déclarer qu’il a tout gagné dans l’enseignement (mariage, scolarisation des enfants). Cela ne voudrait pas dire que ce père de famille de 10 enfants et une quinzaine de petits-enfants est le mieux loti. « Mal payé, je n’ai pas abandonné ce métier », se bombe-t-il le torse, fier de lui-même.
D’ailleurs, lorsque la télévision GKV TV lui sollicite un petit entretien à l’occasion de la journée de l’enseignement, il s’éclipse dans la chambre et en sort avec une belle chemise. « Je n’aime pas la saleté. Jeune pour jeune », nous lance-t-il, blagueur. Oui, la propreté est l’une des caractéristiques physiques des enseignants.
Enseignant de 1ère année avec 59 élèves à l’EP2 Dibalu, Nzeka zi Mayanga, qui habite au quartier Yindula, est l’une des rares personnes à s’être offert une des belles maisons du village de Lemfu.
« Que les enseignants ne se découragent pas »
Maître Keto Nzalengi Alphonse dit Mabuse, 71 ans, avec une tête sur laquelle est plantée une courte chevelure toute blanche. Les années ont eu raison de tous les colorants noirs ! Nous sommes chez lui, sous les arbres, l’attendant depuis plus de deux heures.
Il revient des champs, tout haletant, pédalant sur son vélo. Comme son collègue maître Clément, celui qui était connu sous le sobriquet de Akela dans les premières années de son métier qu’il a commencé il y a une cinquantaine d’années, déclare à la presse qu’il ne regrette pas d’avoir choisi le métier d’enseignant, quoique ingrat.
Aussitôt ses études terminées, Maître Akela va commencer sa carrière à Ngombe-Matadi où il va enseigner en première année. Il va par la suite sillonner plusieurs écoles, de différents réseaux (catholique, officiel puis protestant) et occuper plusieurs fonctions : enseignant, surnuméraire, directeur adjoint, directeur.
Fort de toutes ces années, Keto Nzalengi Alphonse n’hésite pas aujourd’hui à se targuer d’avoir amassé une forte expérience qui lui permet d’enseigner sans préparation.
Au cours de notre entretien, M. Keto Nzalengi ne cesse de se rappeler certains bons souvenirs, le sourire éclairant son visage. « A l’époque, nous informe-t-il, je pouvais enseigner deux classes au même moment, sans me fatiguer et j’étais nourri par les villageois. Si bien que je ne manquais pas à manger et que j’avais toujours de la nourriture à redistribuer à ceux qui en manquaient ».
Si fier de son métier, M. Keto Nzalengi Mabuse va faire l’apologie d’être enseignant soulignant qu’il est fort avantageux d’être enseignant car aujourd’hui, malgré mon âge, je suis encore très fort, je peux pédaler à vélo. Mais un agriculteur s’épuise très vite. Dieu va récompenser les enseignants ».
« Que les enseignants ne se découragent pas, car il n’ya pas de sot métier, il n’y a que de sottes gens », tel est le message que cet homme qui a enseigné José Mambwini voici plusieurs années.
C’est devant une belle maison que nous sommes reçus par maître Akela. « C’est ma propre maison que j’ai obtenue grâce à mon argent d’enseignant », nous déclare-t-il, tout fier.
Cet homme de 11 enfants avec une dizaine de petits-enfants n’accuse aucun regret d’avoir choisi le métier d’enseignant. Aujourd’hui, ses 70 ans ne l’empêchent pas de continuer à enseigner la 6ème année primaire. Mais son collègue Nseka zi Mayanga Clément et lui n’attendent que leur retraite : une retraite bien méritée.
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