lundi 27 mai 2013
50 ans de l'UA et autant de défis à relever
Union africaine (OUA)
50 ans et autant de défis à relever
Du 22 au 25 mai 1963, les "Pères fondateurs" d'une trentaine de pays indépendants signent à Addis Abeba en Ethiopie la "Charte de l'unité africaine" créant l'OUA. De l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à l’Union africaine (UA), de 1963 à 2013, l’organisation continentale a aujourd’hui 50 ans. Chefs d’Etats et de gouvernements, ministres des affaires étrangères, diplomates africains et internationaux, experts et représentants d’ONG sont réunis à Addis Abeba en Ethiopie pour célébrer ces 50 années d’existence.
Plusieurs dirigeants du continent ont fait le déplacement dans la capitale éthiopienne pour fêter le jubilé d’or sous le thème: «Panafricanisme et renaissance africaine» d’une organisation panafricaine qui peine encore à s’implanter et à s’imposer face aux crises et aux conflits qui minent bon nombre de ses pays membres.
Tous les dirigeants africains, y compris le Congolais Joseph Kabila, ont décidé d’être de la fête, à l'exception de l'Algérien Abdelaziz Bouteflika, malade, et du Nigérien Mahamadou Issoufou dont le pays traverse une situation d’insécurité préoccupante.
Pour les dirigeants de l'Union africaine, cette célébration ne sera cependant pas seulement festive. Elle sera aussi l'occasion de passer au crible ces 50 années d'existence. Si l'organisation peut se satisfaire d'avoir réussi la décolonisation des pays du continent et contribué à la fin de l'apartheid, elle est en revanche au centre de nombreuses critiques, liées à son inefficacité dans la gestion des crises qui ont marqué le continent de dix dernières années.
50 ans après avoir mis fin à l’apartheid et à la décolonisation, le continent noir devait faire face à d’autres crises devenues récurrentes : putschs militaires, rébellions, guerres civiles interminables, terrorisme…, l’unité tant recherchée semble théorique. Ce qui pousse certains à conclure que l’Union africaine a échoué sur toute la ligne. D’autant plus que dans bien des crises qui secouent les pays africains, l’Union africaine ne donne pas l’impression d’être inefficace et inopérante. Plusieurs cas l’illustrent : la Libye, le Mali, la RDC.
L’inaptitude de l’Union africaine est telle que son intervention dans un conflit vient souvent en retard… Sans doute est-ce en raison de toutes ces réalités que l'ancienne ministre sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, élue il y a un peu moins d'un an à la tête de la Commission de l'Union africaine, a annoncé vouloir rendre l'organisation plus « efficace ». Malheureusement, les crises malienne et centrafricaine ont mis à mal cette annonce comme pour contredire ou défier celle qui l’avait prononcée.
Si les critiques sont faites à l’Union africaine, les encouragements ne manquent pas non plus. Comme ceux du chargé des affaires régionales pour l'Afrique du gouvernement allemand, Egon Kochanke qui estime que beaucoup de chemin a été parcouru par l’institution panafricaine par rapport aux « objectifs qu’elle s’était fixés il y a 50 ans – c'est-à-dire de rendre l'Afrique plus visible politiquement et économiquement, de développer et de créer un espace juridique commun, beaucoup a été fait, tout en reconnaissant que beaucoup reste à faire.
A l’actif de l’UA, l’homme d’Etat allemand a épinglé le fait qu’ « elle est très active dans la politique étrangère et sécuritaire (...) et « que la nouvelle présidente de l'Union africaine, Dlamini-Zuma est très engagée, sans oublier que le « Conseil paix et sécurité » de l'organisation a réussi à résoudre pas mal de conflits ».
Cependant, tout en promettant l’aide de l’Union européenne et l’Allemagne, il encourage l’organisation à « entamer le renforcement des capacités, à « être bien structurée avec des responsabilités bien définies. » Tout en soulignant que la concrétisation de ces deux conditions rendra possible « une grande intégration économique, sociale et juridique durable ».
Le gouvernement allemand apporte déjà son assistance au Conseil paix et sécurité dans le cadre du renforcement des capacités des institutions de l'Union africaine. Une assistance qui s'est traduite aussi par la construction du bâtiment abritant cette structure, dénommé : « Building Peace and Security » à hauteur de 26,5 millions d'euros.
Défis énormes
Aujourd’hui, les priorités de l’Union africaine sont désormais l'intégration économique et la démocratisation du continent. Bien que certaines avancées soient palpables dans les deux domaines, il y a lieu de les renforcer. Que dire des élections organisées ci et là mais souvent sujettes à contestation sur fond de tripatouillages des constitutions ?
Cinquante ans plus tard, les 54 Etats membres de l'Union africaine ont réalisé des progrès vers cet idéal, mais peinent toujours à faire de l’Afrique un continent uni.
La fête du cinquantenaire a marquée par des célébrations avec un budget d’1,3 million de dollars: expositions, forums de jeunesse, parades, danses, sessions culturelles et même un match de football international (Ethiopie contre Soudan). Elles se sont déroulées en grande pompe le 25 mai en présence d’invités de marque, dont le président français François Hollande, le vice-Premier ministre chinois Wang Yang, le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon, la présidente brésilienne Dilma Roussef et le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
Au delà du folklore festif, les chefs d'Etat se sont penchés sur les défis actuels auxquels est confronté le continent. Au nombre desquels, la situation au Mali. Si la première phase de la guerre contre les islamistes dans le nord du Mali a été gagnée, grâce aux forces françaises et ouest-africaines, le Mali est loin d’être sortie de cette crise. Dans l’entre temps, le pays s’affaire à organiser une élection présidentielle pour la fin du mois de juillet, considéré comme une gageure.
Une crise malienne que dans laquelle l’UA n’est véritablement pas engagée. Alors que le Mali peine à recouvrer la sécurité et doit se reconstruire, que doit faire l’UA pour se rattraper ?
Les chefs d’Etat africains ont également examiné les dossiers plus brûlants les uns que les autres : la situation sécuritaire en RDC, le processus électoral compromis à Madagascar, la Centrafrique, la situation sécuritaire en RDC, la paix fragile entre le Soudan et le Soudan du Sud, convaincre l’Ethiopie de ne pas abandonner ses positions aux Shebabs en Somalie, et que faire avec la Cour pénale internationale, considérée par certains comme de plus en plus envahissante, d’autant qu’un chef d'état élu, le Kenyan Uhuru Kenyatta, y est désormais inculpé.
Au sujet de la situation politique et sécuritaire instable dans bien des pays africains, les dirigeants africains réunis en sommet à Addis Abeba ont décidé de créer une force de réaction rapide chargée d’intervenir dans les conflits sur le continent, a annoncé lundi le président en exercice de l’Union africaine. Le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn a fait état devant la presse «d’une décision historique (du sommet) d’avoir une force de réaction rapide à laquelle de nombreux pays ont proposé de contribuer».
Le financement
Le financement de l’UA est l’un des sujets les plus pressants. La mort de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a dû compromettre ce financement, lui qui contribuait largement aux frais de fonctionnement de l’UA et payait les contributions de certains petits pays.
Entre temps, l’Union africaine ambitionne aussi de s’affranchir de sa dépendance à l’Union européenne, qui fournit environ la moitié du budget de l’UA.
On rapporte que l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo a été chargé de trouver des solutions alternatives de financement, et ses conclusions sont très attendues à ce sommet.
La présidente de la Commission de l’UA Nkosazana Dlamini-Zuma veut élargir les compétences de l’UA aux questions de développement socio-economique: la lutte contre la pauvreté, le promotion et l'émancipation des femmes et les investissements du secteur privé.
Kléber Kungu
Chronologie des 50 ans d'Union africaine
Les quelques dates clés qui ont marqué les 50 ans d’histoire de l’Union africaine
1963
25 mai : 30 États africains indépendants donnent naissance à l'Organisation de l'unité africaine (OUA) à Addis Abeba. Leur objectif : l'unité du continent tout comme la souveraineté et l'intégrité territoriale de ses membres. La même année, l'OUA fonde en Tanzanie un "comité de libération", qui soutient le combat contre la suprématie de la minorité blanche en Namibie et en République sud-africaine.
1976
Le chef d'État ougandais, le militaire Idi Amin se fait nommer président à vie. Le despotisme brutal d'Idi Amin fait jusqu'à 400.000 victimes et discrédite ainsi la politique de non-ingérence de l'OUA.
1980
Au Nigeria, l'OUA adopte le "plan d'action de Lagos“. Il doit renforcer la coopération régionale et poser les fondements d'une communauté économique africaine. Aucun résultat concret n'est obtenu dans un premier temps.
1985
Le Maroc se retire officiellement de l'OUA. Le pays proteste contre l'entrée de la "République arabe sahraouie démocratique", aussi appelée Sahara occidental, au sein de l'OUA en 1982.
1989
La "Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples" de l'OUA entame son travail.
1991
Les États de l'OUA fondent la "Communauté économique africaine" (CEA), avec l'objectif de créer d'ici 2025 un espace économique africain unique.
Sommet de l'Union africaine à Addis Abeba en 2012.
1994
Après la fin du régime de l'apartheid, la République sud-africaine entre à son tour dans la communauté d'États.
1999
Lors d'un sommet spécial à Syrte en Libye, l'OUA suggère, sur l'initiative de l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, de fonder une Union africaine soit une confédération d'États poursuivant des objectifs politiques commun, à l'image de l'Union européenne.
2000
Entrée dans une nouvelle ère : lors d'une rencontre à Lomé au Togo, les chefs d'État et de gouvernement de l'OUA signent la charte constitutive de l'Union africaine (UA).
2001
Désormais, l'OUA s'appelle officiellement l'Union africaine et compte 53 membres. La question du Sahara occidental n'étant toujours pas réglée, le Maroc n'adhère pas à l'UA. Durant une période de transition de deux ans, l'OUA et l'UA cohabitent. La présidence tournante annuelle de l'Union africaine et l'assemblée des chefs d'État et de gouvernement sont les deux principaux organes de l'UA. La "Communauté économique africaine" est intégrée à l'UA.
2002
Les chefs d'État et de gouvernement réunis à Durban, en Afrique du Sud, fondent l'Union africaine. Le siège de l'organisation est maintenu à Addis Abeba en Éthiopie.
2003
L'UA se dote d'un conseil de sécurité selon le modèle des Nations unies. La commission est constituée de 15 représentants élus des États membres et peut mener des interventions militaires et des opérations de maintien de la paix en Afrique, même contre la volonté des Etats membres à part entière.
2004
L'UA lance le "parlement panafricain“, qui siège à Midrand en Afrique du Sud. 265 représentants élus des États membres le composent. La commission doit réaliser la politique et les objectifs de l'UA, promouvoir la démocratie et le développement économique. Le parlement, lui, n'a qu'une fonction de conseil, il n'a pas de compétences législatives. La même année, l'UA envoie des troupes dans la région en crise du Darfour au Soudan, dans le cadre des ses missions AMIS (Mission de l'Union africaine au Soudan) et de l'UNAMID (Mission des Nations unies au Darfour).
2005
Le Somaliland, un État situé au nord de la Somalie et qui n'est pas reconnu par la communauté internationale, fait une demande d'adhésion à l'UA. Toutefois, son intégration à l'organisation n'est pas en vue.
2006
Dans sa résolution 1725, le Conseil de sécurité des Nations unies autorise l'envoi d'une mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM). Jusqu'à la fin de l'année 2012, l'effectif des troupes de protection du gouvernement somalien est augmenté. Il s'élève à 17.000 soldats.
2009
Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi devient président de l'UA selon le principe de rotation prévu par l'organisation. Durant sa présidence, il prône avec véhémence sa vision des "États-Unis d'Afrique". L'Afrique du Sud en particulier refuse le concept.
2012
La ministre de l'Intérieur sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma devient la première femme élue à la tête de la commission de l'Union africaine. Il s'agit du poste le plus élevé de l'alliance.
2013
L'UA compte 54 membres, c'est-à-dire l'ensemble des pays africains à l'exception du Maroc. Le Sahara occidental est membre à part entière de l'UA mais ne fait pas partie des Nations unies, n'étant généralement pas reconnu en tant qu'État. La République centrafricaine, la Guinée-Bissau et Madagscar sont suspendues jusqu'à nouvel ordre.
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