lundi 15 avril 2013
Mankenda Voka a tiré sa révérence …
L’homme qui « refusait qu’on le lise » est parti vendredi 12 avril 2013
Mankenda Voka a tiré sa révérence …
(Un récit de Kléber Kungu)
C’est jeudi 11 avril. Il est 20h30 lorsque je quitte la rédaction en adressant mon habituel « au revoir Boss » auquel il répond par un sec « au revoir », sans lever son regard, en train de prendre son vin « Cellar Cask ». Lui qui d’habitude vous laisse partir par un gentil « au revoir. Que Dieu vous bénisse. » Et pourtant le vendredi 12 avril. L’irréparable tombe. Comme un coup de foudre. Il est 13h14. « …vous savez que votre éditeur est mort depuis ce matin ?… ».
C’est l’éditeur de Forum des As, Tuasukama Bongo Bovery, qui m’informe, d’un ton rassurant. A mon « qu’est-ce que vous racontez là » émotif, il réplique : « Mais c’est vrai ce que je vous dit. Est-ce qu’à mon âge je peux mentir ? ». Assommé par la nouvelle, je lui réponds que c’est la surprise de la nouvelle qui me pousse à lui poser cette question. Ses paroles d’exhortation n’atteignent leur objectif. Oui, la nouvelle de la mort de Mankenda Voka, avec qui j’ai été la veille, au cours du travail de marbre pour sa dernière édition 4088 et que j’ai quitté vers 20h30, a autant bouleversé, choqué que surpris ceux qui l’ont apprise cet après-midi. Comment y croire alors que 24 heures plus tard, je l’ai vu, comme dans ses habitudes, en train de distribuer du vin « Cellar Cask » à ses collaborateurs. Luc-Roger Mbala, Jerry Kalemo, Nsuami Nienga, Jean-Pierre Seke, Jean-Claude Ntuala, Philippe Wete, Joseph Nsingani, Maurice Bakeba…ont partagé le dernier verre avec Mankenda Voka. Savaient-ils que, comme l’avait fait Jésus-Christ avec ses disciples, qu’ils étaient en train de partager le dernier repas avec leur patron ? Et moi-même me suis-je rendu compte d’avoir adressé les derniers mots au Boss en quittant la rédaction à 20h30 après lui avoir dit l’habituel « au revoir Boss », auquel il a répondu par un « au revoir » sec, sans lever son regard ?
Les grands hommes s’en vont comme ils viennent : silencieusement, à la pointe des pieds, à la grande surprise de tout le monde, mais après avoir rempli honorablement leur mission. Mankenda Voka, l’un des meilleurs éditorialistes du monde des médias, à la plume acerbe, incisive, mais souvent enveloppée d’un vernis de diplomatie, est parti de cette manière. Comme un coup de massue, la bouleversante nouvelle me parvient à 13h14.
Le coup de fil de l’éditeur Bongo ouvre une avalanche d’autres. Dans la foulée, je reçois successivement les coups de fil des confrères de L’Observateur, d’autres rédactions et des particuliers. Chacun cherche à vérifier si « ce que j’ai appris est vrai ». Dovin Ntelolo, Freddy Longangu, Angélique Mansiantima de l’Ifasic (qui avait l’habitude de parler pendant quelques minutes avec le Boss en kikongo), Faustin Kuediasala (le DP du Potentiel)…en viennent aux nouvelles. Pendant que je me mets à répondre à tous ces appels, je trouve deux appels en absence. Candide Ngyuvula, la secrétaire de direction m’a appelé. Quand je l’appelle, c’est une voix en sanglots qui me répond me confirmant la nouvelle.
A la demande de Faustin Kuediasala, j’appelle Valery Mankenda pour vérifier la nouvelle. Prudent ( ?), il me répond qu’il ne confirme pas encore la nouvelle, et qu’en ce moment, il se rend à la Clinique Ngaliema pour vérifier… « Oh ! mon Dieu qu’il en soit autrement », tenté-je de me soulager.
Une fois à la rédaction, l’atmosphère est telle que j’ai hélas ! la douloureuse réponse : Mankenda Voka vient de nous fausser compagnie. A nous ses collaborateurs et à d’autres – très nombreux – ses amis et connaissances. Au rang desquels, l’ancien député Makamu que j’y croise.
Quelques minutes plus tard, Valery Mankenda arrive, accompagné du beau-frère du défunt. Ils se jettent, tout sanglotant, dans les mains de M. Makamu. A côté de Nsingani Joseph, Henry Nkawa, Jean-Pierre Ngalimi, Nsuami Nienga, Nseka Makinu qui cachent mal leur peine…
Défilé des personnalités et des médias
Entre temps, la presse ne cesse de défiler, venant aux nouvelles, caméras, micro et stylo à bille prêts à intervenir. Antenne A, RTNC2, Télé 50, Télé 7, Numerica, Kin 24, CCTV sont aux premières loges depuis dès la tombée de la bouleversante nouvelle jusqu’au lendemain. A ce défilé se mêle une avalanche de personnalités : les députés Jean-Claude Vuemba et Konde Vila ki Kanda, des professeurs Pombo Ngunza, Malembe Tamandiak, CT Tito Ndombi, Raph Kidimbu de l’Ifasic, Kileba Po-Kames, Faustin Kuediasala du Potentiel, Bienvenu Bakumanya de Télé 7, Tuasukama Bongo, José Nawej, pasteur Diakiese…passent entre temps pour présenter leurs condoléances et encourager les « défunts »…
Bijou Kalemo de Digital Congo et Josette Bulamatari sont incapables de retenir leurs larmes. La première passe quelques minutes entrelacée avec Blandine Lusimana qui a les yeux rougis et la chevelure en éparse. La seconde, en sanglots, se jette dans les mains consolatrices de Luc-Roger Mbala.
Luc-Roger Mbala, le directeur de la rédaction n’a plus pratiquement plus de repos. Il reçoit toutes ces personnes pour répondre aux « que s’est-il passé ? » ou « était-il malade ? » ou encore « de quoi est-il mort ? ».
15h30. Un groupe de personnes du comité de crise, dont ses collaborateurs, entre dans le bureau du Boss pour une concertation. Luc-Roger- Mbala, Jerry Kalemo, Kléber Kungu, Valery Mankenda, Nsingani Joseph, Maurice Bakeba, Willy Kilapi, Marthe Mbueno, M. Makamu, Nzieta Beros, Jean-Pierre Ngalimi… La chaise du Boss est vide… Sur la table, quelques journaux que son secrétariat a l’habitude de lui apprêter : L’Observateur, La Prospérité, Congo Nouveau, Lisapo, ACP, et un Rapport détaillé sur l’impression de l’édition du 12 avril. Du côté gauche, je remarque un bout de papier sur lequel Mankenda Voka a noté de sa main cette titraille : Le M23 n’a encore rien compris. Inattentifs aux signes, les dirigeants du M23. Le titre inachevé montre qu’il s’apprêtait à rédiger un article le jour suivant…
C’est le côté physique. Quant aux messages de condoléances et de soutien que nous avons reçus depuis le jour fatal, ils sont très nombreux. A la hauteur de la renommée de celui que ses collaborateurs appelaient affectueusement « Boss ».
Défi : L’Observateur doit survivre
Luc-Roger Mbala prend la parole. « Je suis parmi la personne à qui il ne cessait de dire que le journal L’Observateur, même en mon absence, doit continuer à paraître. Il faut montrer aux gens que nous sommes capables de relever le défi : que son journal survive. Gardons le moral. Seule façon d’honorer la mémoire du Boss, c’est de faire en sorte que le journal continue de paraître », déclare-t-il.
Comme pour cimenter les propos du directeur de la rédaction, Honorable Thomas Makamu, ajoute : « Il aurait (Mankenda Voka, NDLR) dû se faire beaucoup d’argent avec du poisson salé, mais il a décidé d’évoluer dans le journalisme, bien que ce soit un travail difficile ».
16h23. Le premier secrétaire d’ambassade du Maroc, Ridaki Mohamed, accompagné de son épouse, dont le défunt est devenu, selon ses propres propos, un membre de sa famille. Il va fort surpris. « La vie, c’est bizarre, déclare-t-il. Si on était malade, on comprendrait, mais le jeudi (11 avril, NDLR), il était bien portant. D’ailleurs, nous avions un programme d’aller au Maroc », ajoute-t-il, tout ému.
« Que Dieu vous apporte du bien, car il était un homme de bien. Moi, j’aimais son caractère : il ne cessait de sourire quand il me recevait », se confesse-t-il, en ajoutant qu’il faut toujours faire du bien et que pour le défunt tout le monde va prier pour lui, sans doute.
Et à Valery Mankenda, il fait ses paroles d’encouragement : « Soyez à la hauteur. Il faut persévérer. C’est pourquoi on a des enfants, ce sont eux qui prennent le flambeau. Je sais que vous êtes tel père, tel fils ».
Oui, ce défi, l’équipe mise en place par Mankenda Voka durant une vingtaine d’années tient à le relever, à honorer sa mémoire, son nom qui a traversé les frontières nationales, après l’avoir bâti dans un travail sérieux, bien fait. Ils tiennent à apaiser les inquiétudes des uns et des autres, comme celles de José Mambwini, ce grand lecteur et, devenu, l’ami du journal et du Boss, qui m’a écrit un mail disant presque ceci : « …le décès de Mbuta Mavo. Je manque des mots. Juste une question : quel sera le destin de L'Observateur ? »
Pétris dans le moule du travail bien fait, rigoureux, méticuleux, ses collaborateurs tiennent à honorer la mémoire de cet homme qui, de sa belle plume, a poussé ses nombreux lecteurs à lire sans relâche son célèbre « A ne pas lire » et sa petite tribune « Réfléchissons un peu ».
Grand éditorialiste, Mankenda Voka savait manier sa plume, comme il pouvait et voulait, au point de produire des articles très retentissants, dont des éditoriaux que les lecteurs ne se lassaient de lire. Avec des tournures faites dans un style qui mélangeait humour et langage diplomatique dont il détenait le secret, les papiers de cet ancien diplomate ont eu le mérite de le hisser au firmament des grands de ce monde.
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Très bel article et somptueux hommage pour ce grand homme au coeur tendre et à l'humour fin que j'ai particulièrement connu parce qu'il m'a élevé vu que c'est mon père. Permettez-moi juste de souligner quelques maladresses syntaxiques et mauvaises formulations. Sans vouloir être insolente, je trouve dommage qu'une page comme celle-ci, dédiée à un chevalier de la plume hors pair comme Mankenda Voka, soit formulée avec autant de lacunes.
RépondreSupprimerMeilleures salutations
Vanessa Mankenda Nkembi
Chère Vanessa, bien lu vos remarques, quoique en retard. Je vous en remercie. Je regrette que vous n'ayez pas pris soin de les mentionner; cela m'aurait vraiment aidé à ne plus y revenir. Je reconnais que je suis loin de produire un travail parfait.
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