Plus de 3 000 violées de l’hôpital de Panzi
(De Kléber Kungu, notre envoyé spécial à Bukavu)
Pour la personne qui débarque pour la première fois à l’hôpital général de Panzi, à Bukavu, la première chose qui la frappe, c’est le calme et le silence qui y règnent. Comparables à un monastère ou à un Centre de recherche nucléaire. Ni l’un ni l’autre. Mais le refuge des femmes victimes de la cruauté bestiale, de la bestialité, de la barbarie, de l’animalité de l’homme. A en croire ce score : 3 330 femmes victimes des violences sexuelles y sont passées en 2009 ! Leur péché, c’est de n’avoir pas choisi de naître ailleurs que dans le Sud-Kivu. Leur crime, c’est de n’avoir pas choisi d’être créées hommes. Leur malheur, c’est de n’avoir pas opté pour une autre nationalité. Rejetées pour la plupart par leurs maris et/ou leurs familles, elles n’ont plus de famille que la communauté internationale qui essaie de crier et de lancer le SOS à leur place, de relayer leurs messages. Des cris, des SOS et des messages relayés par celui qui les côtoie régulièrement en vivant leur calvaire : le Dr. Denis Mukwege Mukengere, médecin directeur de cette institution hospitalière. Plus de 3000 victimes violées en une année ! La réputation des Congolais en matière de violences sexuelles est incontestable. Le cri de cœur du Dr. Denis Mukwege est une bruyante interpellation aux hommes congolais pour que cesse cette barbarie d’une autre époque.
Passer à Bukavu et ne pas visiter l’endroit où sont soignées les femmes victimes des violences et abus sexuels équivaut à se trouver à un endroit où gémit un malheureux sans lui rendre visite, ne serait-ce que pour lui témoigner de la compassion. La visite de plusieurs hautes personnalités du monde politique à l’hôpital de Panzi, à l’occurence Hillary Clinton, la très puissante ministre américaine des Affaires étrangères, atteste de l’importance que revêt la problématique des violences sexuelles au Sud-Kivu.
Nous y avons passé et avons entendu crier le numéro de l’hôpital de Panzi. C’est en homme révolté, dépité par le comportement bestial de ces pairs que le Dr Denis Mukwege reçoit la délégation des journalistes de Kinshasa. Il ne va pas de main morte pour fustiger le comportement barbare des hommes. « Les hommes considèrent le viol comme des rapports sexuels normaux. Alors que il constitue une marque que les femmes portent durant toute leur vie. Violer, explique-t-il, ce n’est pas coucher avec une femme. C’est plutôt l’agresser dans sa partie la plus intime ».
« Hommes congolais, réveillez-vous ! »
Les violences sexuels et autres abus faits aux femmes sont un phénomène qui fait la particularité des Congolais et autres violeurs en matière de cruauté en ce XXIème siècle. On en parle, les femmes, précisément les Congolaises organisent de plus en plus des manifestations contre ce comportement, elles dénoncent ce fléau sans qu’il ne cesse ou décroisse. La communauté internationale unit sa voix à celles des Congolais pour dénoncer cette bestialité, sans beaucoup de résultats. Peut-être ne fait-on pas beaucoup de bruit ! Ce qui est loin d’être vrai car pour ce gynécologue et obstétricien de réputation internationale, « la communauté internationale a suffisamment dit, fait », estimant même que « c’est l’extérieur qui en parle beaucoup ».
C’est pour il estime que la solution doit provenir des Congolais eux-mêmes. « Nous les hommes du Congo nous avons le devoir de mettre fin à ce phénomène qui détruit le Congo », rappelle le Dr. Denis Mukwege. « Hommes congolais, réveillez-vous. C’est toute une nation qui se tue [car] on ne peut faire une nation sans femmes », plaide-t-il, la rage au cœur, dénonçant un « phénomène qui ne s’est jamais passé ailleurs ».
Les manifestations appuyées par le port de pagnes et autres tee-shirts et polos dénonçant ce phénomène ne suffisent pas du tout. Il faut « une volonté politique ». Ce qui manque peut-être jusque-là. « Il faut donc prendre une option pour arrêter ce triste phénomène, qui est une véritable arme de guerre », propose-t-il.
La question que l’on doit se poser est celle de savoir l’objectif que les auteurs de ce crime veulent atteindre. Le médecin-directeur de l’hôpital général de référence de Panzi pense qu’en violant les violeurs ont « une volonté de détruire, même à petit feu en le faisant collectivement. » Que peuvent signifier les IST et le VIH/Sida transmis leur du viol ? N’est-ce pas que détruire insidieusement toute une population en « détruisant le sexe qui est la porte d’entrée de la vie » ? N’est-ce pas que les violeurs mettent les machines en marche pour « s’attaquer à la démographie » ? Quelle différence peut-il y avoir entre ces actes et « tirer sur une population » ? C’est la même chose, car les deux voies produisent in fine les mêmes effets.
« Le viol est une arme biologique, une arme de destruction massive »
Le Dr. Denis Mukwege ne qualifie pas autrement le viol qu’une arme biologique ou de destruction massive. Puisque les guerres provoquent le déplacement massif de la population vers la ville de Bukavu, les conséquences économiques sont évidentes. « On tue, on brûle des maisons, des champs, des marchés », la conséquence étant de « neutraliser l’économie du pays », d’affamer la population, donc de le tuer à petit feu.
Quant aux conséquences sociales, il appert que le viol des femmes conduit à « la destruction de la société, de l’identité collective, la perte de l’identité communautaire. » Les femmes ainsi violées subissent une telle discrimination sociale que la communauté les rejette. Ainsi « les hommes et les enfants ne veulent plus vivre avec une femme violée. » En bref, le Dr. Denis Mukwege conclut que « la désorganisation économique, sociale, démographique due à la guerre a « le même résultat qu’une guerre chimique.»
Le phénomène a tant duré, a provoqué tant de victimes, la RDC s’est illustrée négativement pas ce phénomène si bien que le Dr. Mukwege Mukengere pense que les hommes doivent faire quelque chose pour que cesse cette barbarie. Car 3 330 femmes violées sont loin de représenter un échantillon important de l’ensemble des femmes violées dans toute la province. La peur de stigmatisation, de discrimination, la honte de se faire marginaliser par la société fait qu’une grande partie de femmes victimes des violences sexuelles continuent à se cacher. Que dire des femmes qui sont violées à plusieurs reprises ?
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