jeudi 15 avril 2010

Le Sud-Kivu ou le paradis des problématiques

Le Sud-Kivu ou le paradis des problématiques
Violences sexuelles, malnutrition, enfants soldats, réfugiés, choléra se côtoient au quotidien
(Un dossier de Kléber Kungu, notre envoyé spécial à Bukavu)
La province du Sud-Kivu est le paradis des problématiques, plus urgentes les unes que les autres. Violences sexuelles, malnutrition, enfants soldats, réfugiés, choléra, catastrophes naturelles, éducation de base, insécurité, l’impunité se côtoient et se vivent au quotidien. « Paradis des problématiques », cette formulation paraît contradictoire, pourtant la réalité est celle-là : cruelle, inhumaine, invivable. Les agences humanitaires s’activent à donner des réponses à une population qui ne sait plus à quelle autorité se plaindre. L’Unicef, le PNUD, le Pam, l’OMS, Malteser International, le HCR se partagent la région, chacun dans son domaine d’intervention. Pour la joie des bénéficiaires. Peut-être est-ce pour cette raison que le Sud-Kivu reste encore un paradis des problématiques. Autrement, il serait un enfer !
Province des guerres et autres conflits armés qui n’en finissent pas, le Sud-Kivu est confronté à plusieurs difficultés ou défis à la fois que les acteurs humanitaires appellent « problématiques ». Des problématiques consécutives, pour la plupart, à la situation des guerres que connaît la province parmi les plus insécurisées en République démocratique du Congo. Des problématiques qui s’embrigadent les unes dans les autres, constituant ainsi un caractère inextricable éternel.
Qui parle du Sud-Kivu pense à la guerre, à l’insécurité. Qui parle de la guerre en RDC pense immanquablement aux violences et autres abus sexuels commis sur les femmes en général, aux enfants en particulier par des hommes en uniforme particulièrement. Les femmes violées, la province du Sud-Kivu en compte plusieurs centaines, plusieurs milliers. Il est difficile d’en connaître exactement leur nombre. La peur d’être discriminées par la communauté reste l’obstacle le plus évident qui empêche bien des femmes violées de se présenter. Celles qui l’ont fait ont peut-être pris le risque de se dévoiler.
Les femmes violées ? L’hôpital général de référence de Panzi en compte plusieurs et en a vu passer chez lui des centaines. Le Dr. Denis Mukwege Mukengere, médecin directeur de cet hôpital, nous a parlé de cela. A cause de ces femmes, l’hôpital de Panzi s’est fait une réputation internationale, devenant comme un site touristique. De triste mémoire ! Chaque personnalité ou autorité politique nationale ou internationale, émue et préoccupée par la question des violences faites aux femmes, qui passe à Bukavu, n’oublie pas d’inscrire la visite de l’hôpital de Panzi dans son agenda (cf. notre dernier reportage publié dans l’édition n° 3306 du 08 février).
Les pensionnaires de l’hôpital de Panzi ne représentent qu’un petit échantillon par rapport à l’ensemble des femmes victimes de cette cruauté humaine de ce XXIème siècle à travers toute cette province martyre. Nous en avons rencontré à Bukavu, excepté celles de l’hôpital de Panzi, au Centre de formation de l’ONG la Fondation Solidarité des Hommes (FSH) dirigée par Fernando Nkana wa Katamba et appuyée par l’Unicef. Ici, nous avons rencontré des filles violées et qui ont pu témoigner leur calvaire. Des enfants qui, avec l’appui des agences humanitaires comme l’Unicef, UNFPA, se voient réinsérés dans une société très inhumaine. Grâce à l’apprentissage de la coupe et couture, de la broderie, du tricotage, de la menuiserie et de la mécanique, leur avenir est moins sombre qu’avant. Dans le cadre des activités génératrices de revenus, la FSH a créé le restaurant Miss Malaïka en faveur des femmes victimes de violences sexuelles où elles apprennent l’art culinaire.
L’exploitation des enfants à des fins sexuelles, le proxénétisme se portent à merveille à Bukavu. Que dire d’un pasteur qui s’est illustré en violant 14 garçons en 2009 à Bukavu ?
Les femmes victimes de viols, il y en aussi à Nzibira, dans le groupement de Kaniola, fief d’intervention de l’ONG Malteser International avec ses appuis au Centre hospitalier de Nzibira. Grâce à l’aide et l’encadrement de cette ONg humanitaire, les femmes victimes de viols reprennent la vie, après avoir été abandonnées par leurs maris et leur famille.
Nous vous invitons à faire un tour à l’hôpital général de référence de Kaniola. Demandez au docteur Netho Kialondawa de vous montrer les images des femmes qu’il opère souffrant de prolapsys utérin, vous verrez à quel point les conséquences de viols sont néfastes sur le corps de la femme. Ce sont des femmes violées par des Interhamwe avec des armes qui arrivent en retard à l’hôpital après complication sanitaire. Des cas pareils, il y en a plusieurs dizaines, peut-être centaines dans la région, mais qui se cachent encore…
Nous avons également vu des femmes avec trouble psychiatrique dû au traumatisme subi à la suite de la perte des leurs. Que de conséquences dues aux violences faite à la femme !

Des campagnes de sensibilisation qui ne portent pas encore
En dépit de toutes les campagnes de sensibilisation menées sur le terrain contre les violences sexuelles faites aux femmes, le mal semble s’enraciner de plus en plus, encouragée par l’impunité. « Brisez le silence, prenez conscience et dites non aux violences sexuelles surtout celles commises aux jeunes filles sous toutes ses formes : le viol, l’attentat à la pudeur, l’excitation des mineurs à la débauche, le proxénétisme, la prostitution forcée, le harcèlement sexuel, l’esclavage sexuel, la grossesse forcée, la pornographie, le mariage forcé », ce genre de messages sont florès à Bukavu placardés sur des murs, mais le phénomène se porte toujours bien.
La malnutrition se fait aussi parler d’elle au Sud-Kivu. Les enfants en sont principalement victimes. Les malnutris, nous en avons vu à Walungu, dans le village et fief électoral de Vital Kamerhe. L’hôpital général de référence FSKi de Walungu nous a offert un échantillon intéressant. Des enfants aux visages joufflus, au regard hagard, mangeant avec beaucoup d’appétit de la pâte d’arachide spéciale- Plumpy nut, accompagnés par des mères qui donnent l’apparence d’avoir échappés à ce dont souffre leur progéniture. Une d’ailleurs se régalait de cette pâte sous nos yeux. C’est qu’au Sud-Kivu, l’alimentation constitue une autre problématique.

Facteurs de la malnutrition
Pourquoi cette malnutrition dans cette partie du pays ? Selon Dieudonné Cigaghira, inspecteur chef de zone de santé en matière nutritionnelle, il y a trois facteurs à la base de ce phénomène : le niveau socio-économique, la taille élevée des ménages ainsi que le niveau d’instruction très bas des parents. Un quatrième facteur relevé lors de notre séjour à Bukavu : les Sud-Kivutiens ne savent ni manger ni prépare à manger. Ils préfèrent des repas secs avec de la viande braisée, du poisson grillé… De la soupe, je n’en ai pas mangé ni vu. Pourquoi ne pas avoir des enfants malnutris avec cette culture et pourtant la région est quand même riche et ne manque pas, par conséquent, quoi mettre sous la dent.
Dans le Centre nutritionnel thérapeutique de cet hôpital, une vingtaine d’enfants malnutris de moins de 5 ans et parfois plus, luttent désespérément pour leur survie, aidés par le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Unicef, le Caritas. Alors que la gratuité de leurs soins constitue un grand manque à gagner pour l’hôpital qui ne réalise pas, par conséquent, de recettes. Une autre problématique qui vient allonger la liste – déjà longue – des défis à relever dans cette partie du pays.
(A suivre)


Conséquence, le séjour des agences humanitaires en RDC n’est pas pour demain. Heureusement d’ailleurs. Cependant, les acteurs humanitaires ne sont éternellement en RDC pour assister les Congolais. Les Congolais doivent donc penser à assurer la relève. D’où la question de la transition. Mais cela n’est pas notre propos aujourd’hui.

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