Source de
maintes tensions
Retracer leur frontière
commune : mission délicate pour Kinshasa et Kigali
Retracer leur frontière commune de
plus de 200 km, à la fois terrestre, lacustre et fluviale, voilà la mission
délicate qu’une équipe d’experts ainsi que des représentants des autorités
locales de Kinshasa et de Kigali doivent
réaliser cette semaine, du 25 au 30 août. Une mission délicate d’autant plus
qu’elle est la source, des décennies
durant, de maintes tensions entre les deux pays.
Des experts et des représentants des
autorités de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda vont devoir
s’activer pour réaliser pendant six
jours (du 25 au 30 août) une mission aussi délicate qu’importante en faveur de
ces deux pays. Il s’agit de retracer un peu plus de 200 km de frontière entre
la RDC et le Rwanda. Une frontière à la fois terrestre (de Goma à Giseny),
lacustre (à travers le lac Kivu) et fluviale (le long de la rivière Ruzizi).
La décision de procéder au retracé
de la frontière entre la RDC et le Rwanda a été prise au début du mois d’août au
cours d'une rencontre bipartite, qui s'est tenue à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
La matérialisation de cette
frontière commune va consister à placer des bornes sur la partie terrestre comprise
entre la ville de Goma (RDC) et celle de Gisenyi (Rwanda) et par des bouées sur
le lac Kivu compris entre les villes de Bukavu et Goma.
On rapporte que le tracé de la
frontière n'a pas été source de discorde entre les deux parties, à en croire la
manière dont les délégués des ministères congolais et rwandais de l’Intérieur
ainsi que les membres de la commission permanente des frontières Rwanda–RDC se
sont facilement mis d'accord en se basant sur la carte coloniale dressée en
1911, entre la Belgique (le premier colonisateur du Congo)et l'Allemagne (le
second colonisateur du Rwanda).
Localisation de 6 bornes des 22 de l’époque coloniale
Le vice-gouverneur du Nord-Kivu,
Feller Lutayichirwa Muiwahale, l’un des membres ayant pris art cette rencontre, du côté de la RDC, n’a pas
tardé d’afficher son optimisme en assurant que les travaux de démarcation
iraient jusqu’à leur terme, d’autant que six bornes-frontières sur les
vingt-deux mises en place à l’époque coloniale ont déjà été localisées. Le même
optimisme a été affiché du côté rwandais où le chef de la délégation, James
Ngango, a assuré que le procès-verbal qui venait d’être lu et signé ne pourrait
souffrir d’aucune faille déclaré. Comme quoi il serait appliqué.
La source ajoute que les deux parties
avaient pris l’engagement de se retrouver en septembre prochain pour évaluer
l'opération de tracé qui serait fait entre temps.
Retracer leur frontière commune
aiderait la RDC et le Rwanda à faire baisser la tension consécutive à cette
épineuse question. Depuis l’entrée de l’AFDL en RDC avec le président
Laurent-Désiré Kabila, la question de la frontière a surgi de plus belle
lorsque le problème des prétendus accords de Lemera a circulé abondamment dans
l’opinion congolaise. Ainsi Les Congolais n’ont cesse d’accuser les Rwandais
d’expansion territoriale. Une polémique que Nicolas Sarkozy, alors président,
avait aidé à nourrir en déclarant que la RDC dispose d’un espace très large et
une grande quantité de des richesses minières qu’elle pourrait les partager
avec son voisin-ennemi le Rwanda.
Pour certains spécialistes de la
question, la mission que les deux pays se sont donnée est très importante, car
elle leur permettra de rendre visible leur frontière. Ce qui supprimera,
précise le géographe Michel Foucher, cité par TV5 Monde, de supprimer tout
prétexte d’incursion pour telle ou telle force armée ». Ce géographe
français doublé d’un diplomate ajoute que la délimitation frontalièrel est un
vrai signe de pacification ».
Lutter contre la contrebande…
La mission va également aboutir à la
délimitation d’une frontière normalisée qui va faciliter désormais différents
échanges entre les deux pays qui ont intérêt à cultiver des relations de bon
voisinage que de se livrer, des années durant, à des conflits meurtries qui ne
font qu’attiser haine, revanche…
Dans son analyse, Michel
Foucher va plus loin. « C’est cela le
but de l’opération : mettre fin au racket des douaniers, lutter contre la
contrebande, encourager le commerce transfrontalier…La frontière ne sera plus
vécue comme une barrière mais deviendra une ressource pour les populations
locales. »
Une mission qui tombe à propos,
alors que la Banque mondiale , par son président, Jim Yong Kim et l’Onu, par
son secrétaire général, Ban Ki-moon, avaient promis, lors de leur tournée dans
la région des Grands lacs, en mai 2013, une enveloppe de 1 milliard de dollars
pour le développement économique des pays de la région, après la signature par
11 pays de la région de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
Les deux personnalités s’étaient
rendues successivement en République démocratique du Congo (le 22 et le 23), au
Rwanda (le 23 et le 24) et en Ouganda (le 24).
Au sujet de la délimitation des
frontières avec ses voisins, la RDC n’entend pas s’arrêter en si bon chemin
avec le Rwanda. Kinshasa a également entrepris un abornement de sa frontière
plus au sud avec son voisin ougandais. Un dossier, apprend-on de la même
source, est en cours, à la demande de la RDC et de l’Ouganda.
Existence d’un programme continental
En 2007, un programme spécifique sur
la délimitation des frontières des pays africains avait été lancé sous l’égide
de l’Union africaine. A l’initiative de l’ancien président du Mali Alpha Oumar
Konaré, ce programme est financé par la coopération allemande. Il fonctionne
déjà bien dans bien des pays de l’Afrique de l’Ouest, en l’occurrence au Mali,
au Sénégal et au Burkina, ainsi qu’au Mozambique.
Cependant, ce programme de
démarcation des frontières ne marche pas du tout dans la corne de l’Afrique, en
Ethiopie, en Somalie et au Soudan, des pays déchirés par d’interminables conflits
politico-territoriaux. Ce programme se fait sur base du volontariat des Etats.
Il appartient donc aux Etats concernés de déclarer leur situation frontalière
avant de s’engager à procéder à la démarcation des frontières. La fin de ce
programme est prévue en 2020.
Certains esprits avisés restent
encore sceptiques quant à la bonne foi de la partie rwandaise sur le respect de
la frontière une fois délimitée.
Kléber Kungu
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