lundi 21 décembre 2009

Le découpage territorial, une mission impossible ?

Le découpage territorial, une mission impossible ?

(Un dossier de Kléber Kungu)

La Constitution congolaise a consacré la décentralisation comme mode de gestion et d’organisation politique et administrative du pays. Il n’y a aucun doute sur les bonnes intentions qui avaient animé les concepteurs de l’actuelle Constitution congolaise, adoptée par référendum en février 2006, lorsqu’ils ont proposé un Etat décentralisé après plusieurs années marquées par l’omniprésence et l’arbitraire du pouvoir central. Vu l’immensité du pays et les nombreux problèmes – tous urgents- de la République démocratique du Congo (RDC), sans doute était-il temps de tourner la page et de concrétiser, enfin, une idée déjà ancienne. Nous nous rappelons qu’entre 1962 et 1965, les onze provinces qui existaient lors de l’indépendance avaient été remplacées par 21 « provincettes » d’importance inégale, une mesure qui avait menacé le pays d’atomisation et que le président Mobutu avait abolie dès sa prise de pouvoir en 1965. Selon Jean-Claude Bruneau, « le redécoupage administratif instauré n’a rien d’une première, puisque la scissiparité territoriale fut un processus récurrent tout au long des 125 années d’existence politique du Congo. »

Malheureusement, la décentralisation présente des signes d’une gestation difficile, des signes avant-coureurs qui ne trompent pas : le gouvernement central rechigne à rétrocéder les 40% des recettes aux provinces, des conflits identitaires, la résurgence des tensions ethniques, des caisses de l’Etat qui sonnent creux… Le découpage territorial, qui doit concrétiser cette décentralisation, peine beaucoup à prendre corps. Les choses se passent comme si cette question n’est pas inscrite dans l’agenda des autorités du pays. Des pesanteurs empêchent le découpage territorial de se matérialiser, le rendant une mission impossible à ce jour. Alors que le temps presse, car il ne reste que quelque 3 mois de son entrée en vigueur à la date butoir de mars 2010.

En dépit de l’opportunité que le découpage territorial présente et de tous les avantages qu’il offre pour un pays aux dimensions continentales en vue d’une gestion administrative et politique assez aisée, il y a lieu de craindre à ce jour qu’il présente, aux yeux de ceux qui sont censés le faire appliquer, plus d’inconvénients que d’avantages.

Et pourtant, nous l’avons souligné, les bonnes intentions des concepteurs de la Constitution de la RDC sont manifestes. N’est-ce pas que la décentralisation avait pour objectifs principaux de promouvoir la bonne gouvernance, le développement à la base, de rapprocher les administrés de l’administration. Dans le cadre du découpage territorial, la Constitution a prévu de ramener le nombre de provinces de 11 à 26, quinze nouvelles provinces devaient donc voir le jour d’ici à mai 2010, date butoir. C’est sur cette base même que les sénateurs ont été élus en 2007.

Ecueils

A ce jour, la concrétisation de la décentralisation, avec en toile de fond le découpage territorial, est loin de devenir effective. Bien des écueils empêchent ce rêve de plusieurs Congolais et des constituants de se réaliser.

Le transfert des compétences financières et administratives du pouvoir central aux provinces, concrètement les 40% des recettes du budget national aux provinces, pose problème. La conjoncture actuelle vient donner une raison de plus au pouvoir central qui n’a vraiment pas de volonté d’appliquer cette mesure constitutionnelle. Dans ces conditions, comment doivent fonctionner les gouvernements provinciaux et leurs assemblées, précisément les provinces peu « viables » ? Lorsqu’une province urbaine comme Kinshasa sue sang et eau pour faire réunir ses députés, faute de siège propre à elle, que dire des provinces rurales peu dotées d’infrastructures viables ?

Motions de défiance, motions de censure, armes redoutables des députés

Au nom de la démocratie, les gouverneurs de province sont devenus les bêtes noires des députés provinces qui n’hésitent pas de brandir la redoutable arme que sont la motion de défiance, la motion de censure contre eux. Lors de la première réunion avec le chef de l’Etat Joseph Kabila en juin 2009 à Kisangani dans la Province Orientale, les gouverneurs se sont plaints des pratiques peu recommandables qui régissent leurs rapports avec les députés provinciaux. Les gouverneurs se sont plaints d’être devenus les otages des députés qui ne s’offusquent pas à les menacer avec les motions de censure, généralement « sans aucun rapport avec les programmes de gouvernement ». But inavoué : leur soutirer de l’argent ! Sans doute, les Congolais sont-ils en train de faire les frais du manque de préparation de la décentralisation et de l’absence d’une éducation citoyenne sur les enjeux réels !

Le vice-gouverneur du Maniema, Pierre Masudi Mendes avait été déchu par l’assemblée provinciale, après avoir été désavoué le 14 octobre 2009 par 14 députés sur les 24 que compte l’organe délibérant du Maniema, à la suite d’une motion de défiance initiée par l’un d’eux, le député provincial Dieudonné Mbukani Katebwa. Ils lui reprochaient plusieurs faits dont la mauvaise gestion, faux et usage de faux et la violation des certaines consignes du parlement provincial.

Les partisans du déchu n’ont pas voulu se laisser faire. Ils ont, par conséquent, protesté par une manifestation dans la commune de Mikelenge, fief électoral de Pierre Masudi. La manifestation a été émaillée d’incidents : trois personnes blessées dont le vice-président de l’assemblée provinciale, l’honorable Nyangi Lelo, et un agent de l’assemblée provinciale. En outre, une moto d'un député a été emportée, les vitres de la voiture du président de l’assemblée provinciale, cassées. Le député auteur de la motion de défiance a eu la vie sauve grâce à l’intervention de la police.

Le gouverneur Julien Paluku du Nord-Kivu a été aussi sous le coup d'une motion de censure en début octobre 2009. Il lui était reproché notamment la malversation financière. Le rapport de la commission d’enquête sur l’exécution du budget 2008-2009 de la province du Nord-Kivu, rendu le 08 octobre à l’assemblée provinciale, recommandait notamment la démission en bloc de tout le gouvernement provincial, accusé de mauvaise gestion des deniers publics. Le gouvernement provincial tenait deux comptabilités parallèles, l’une gérée officiellement par un comptable et un ordonnateur délégué ; et l’autre, par le conseiller financier du gouverneur, selon la commission.

Julien Paluku, qui n’était pas à sa première bataille contre les députés de sa province, avait rejeté les accusations portées contre son gouvernement, en accusant le rapport de cette commission de beaucoup d’insuffisances. Fin novembre 2007, les groupes parlementaires du PPRD, du MCR ainsi que du DCF/Cofedec avaient lancé une motion de défiance contre lui. Selon un rapport de la commission économico financière de l’assemblée provinciale, présenté à cet effet, le gouverneur Paluku aurait à l’époque détourné plus de 372 000 USD des recettes perçues sur le droit de péage des routes dans la province. Ces recettes auraient été orientées dans un compte privé dit : « Comité provincial de péage route », dont la présidence est assurée par le gouverneur lui-même.

Mais si le gouverneur Paluku s’en était bien tiré, la motion de défiance lancée contre lui ayant été rejetée le 1er décembre 2007 par la plénière de l’assemblée provinciale à l’issue d’un vote : 27 députés provinciaux s'étaient exprimés contre la motion de défiance et quinze autres, pour, la justice ne l’a pourtant pas lâché.

Le phénomène ne s’étant pas arrêté-là, le Kasaï Occidental a été contaminé. Ici, le gouverneur Trésor Kapuku avait aussi connu la rigueur de la motion de censure, quelque trois mois seulement après son installation à la tête de l’exécutif provincial. La motion de défiance contre le gouverneur, votée le jeudi 7 juin 2007 par l’Assemblée provinciale, exigeait sa démission ainsi celle de toute son équipe gouvernementale sont constitutionnellement réputés démissionnaires.

Par ailleurs, la décentralisation a fait resurgir des conflits identitaires à caractère régionaliste – ‘’provincialiste’’ à travers les provinces. Lors de la rentrée parlementaire de septembre 2008, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, avait souligné ce point. « Pour d’autres acteurs politiques, la décentralisation signifie le retour du pouvoir dans les terroirs. C’est ainsi que l’on assiste à une accentuation du régionalisme, à une résurgence des conflits identitaires », avait-il fait remarquer. Le Bas-Congo et le Katanga avaient tenté de s’illustrer dans ce sens. Dans le Bas-Congo, le mouvement Bundu dia Kongo (BDK) considère les Congolais venus d’ailleurs comme « des étrangers » n’ayant pas le droit d’occuper des postes les plus élevés dans les entreprises publiques installées dans cette province, tandis qu’au Katanga, le maire de Lubumbashi s’était illustré en instaurant des visas d’entrée dans la ville de Lubumbashi pour tous les Congolais originaires d’autres provinces. La mesure a eu un tel tollé dans l’opinion nationale que l’autorité centrale s’est vue interpeller et l’a vite rappelé à l’ordre.

Découpage territorial a du plomb dans les ailes

Le grand problème qui se pose aujourd’hui est celui du découpage territorial prévu par la Constitution (déja décidée par la Conférence nationale souveraine) et dont la réalisation dans les délais paraît impossible. Il paraît avoir du plomb dans les ailes. La décentralisation voulue par tous et prévue par le constituant fera passer le nombre de provinces de 11 à 26.

Un peu d’histoire : le découpage territorial de la RDC ne date pas de maintenant

Selon Jean-Claude Bruneau, professeur de géographie université de Montpellier, « le redécoupage administratif instauré n’a rien d’une première, puisque la scissiparité territoriale fut un processus récurrent tout au long des 125 années d’existence politique du Congo… » (…) « Au début, l’Etat léopoldien répartit son domaine en districts assez flous (11 en 1888, 15 en 1895). Ensuite, avec l’instauration du système colonial véritable, l’encadrement de l’espace et des hommes se renforce peu à peu, notamment afin de geler l’ancienne mobilité des groupes ethniques en les territorialisant. Dès 1914, le Congo Belge est restructuré en 4 grandes provinces, le Congo-Kasaï, l’Equateur, la Province Orientale et le Katanga. S’y articulent les 22 districts existants, divisés en territoires, eux-mêmes subdivisés en secteurs. Ces derniers englobent la multitude des chefferies, agglutinées pour les plus petites, retaillées quand elles semblent trop vastes, voire (assez souvent) assimilées telles quelles à des secteurs, mais toutes solidement amarrées à la nouvelle grille administrative ».

« En 1933, au prétexte de la crise mondiale, l’autonomie de gestion jusqu’alors assez large des provinces est sévèrement rognée, leur nombre passe à 6, et elles prennent le nom de leur chef-lieu : provinces de Léopoldville et Lusambo (par scission du Congo-Kasaï), de Coquilhatville (l’ex-Equateur), de Stanleyville et Costermansville (par scission de la Province Orientale), d’Elisabethville (l’ex-Katanga). En 1947, on les rebaptise encore – provinces de Léopoldville, du Kasaï, de l’Equateur, Orientale, du Kivu et du Katanga – et le nombre des districts est porté à 25 : la trame ainsi formée peut être vue comme « définitive », car les réaménagements ultérieurs respecteront le maillage fondamental des districts (complété par de rares districts urbains), des territoires, et des secteurs ou chefferies (Saint Moulin, 1992). »

« A l’échelle régionale, le morcellement va reprendre après l’indépendance. Au tout début certes, sous l’imperium contradictoire du président Joseph Kasavubu, fédéraliste, et du Premier ministre Patrice-Emery Lumumba, unitariste, sont maintenues les 6 provinces héritées des Belges mais redevenues – cette fois politiquement – autonomes. Mais dès 1962, le chaos de la guerre civile débouche sur leur remplacement de facto par 21 entités bien plus petites, et vite affublées du surnom de « provincettes » : autonomes toujours, elles ont surtout une connotation ouvertement ethnique, ce qu’illustre leur architecture d’ensemble plus ou moins inspirée des anciens districts, mais intégrant aussi – pour y faire pièce – les deux zones en sécession du Sud-Kasaï (d’Albert Kalonji) et du Sud-Katanga (de Moïse Tshombe) (C.R.I.S.P., 1963). Bien que consacrées par la Constitution dite de Luluabourg (1964), elles n’auront guère eu, au demeurant, le loisir d’exister. »

« A partir de 1965 en effet, le régime nouveau de Joseph-Désiré Mobutu cherche à raffermir l’unité du pays. Dans cette optique, il revient à l’organigramme colonial, tout en changeant l’intitulé des divers échelons – on parlera de régions, de sous-régions ou villes, et de zones – et surtout en les vidant de toute réalité politique. Bientôt, en vertu de son idéologie de « retour à l’authenticité », Mobutu rebaptise non seulement le Congo lui-même, qui devient le Zaïre, mais aussi plusieurs provinces. Si l’Equateur et le Kivu gardent leur nom, le Katanga et la Province Orientale deviennent le Shaba et le Haut-Zaïre ; la province de Léopoldville fait place aux régions de Kinshasa, du Bas-Zaïre et du Bandundu ; celle du Kasaï donne naissance au Kasaï-Occidental et au Kasaï-Oriental. On le voit, la logique de l’émiettement territorial n’est que partiellement enrayée, face aux aspirations identitaires. Elle se renforce encore en 1988 avec la création de plusieurs sous-régions (ou villes), et surtout des régions du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, pour remplacer le Kivu mais aussi à titre expérimental, dans l’optique d’un futur redécoupage de l’ensemble du pays. »

« A cette situation, le régime imposé en 1997 par le coup de force de Laurent-Désiré Kabila n’est pas en mesure de changer grand-chose. Consacrant le canevas territorial en place, il se borne à rétablir les anciens intitulés (provinces, districts et territoires), et à restaurer quelques dénominations d’avant Mobutu : le Zaïre redevient le Congo, et l’on voit renaître le Bas-Congo, le Katanga, la Province Orientale (…) ».

La naissance des nouvelles provinces

Kinshasa, capitale de la RDC, a désormais rang de province. On l’appelle même ville-province. Peuplée en majorité des peuples originaires des provinces limitrophes (les Kongo surtout, les Yaka, et d’autres), la province est bâtie en territoire teke. Cette identité kinoise (appuyée sur l’usage du lingala) fait que la capitale échappe assez largement au schéma ethnocentrique qui sur lequel sont bâties la plupart des provinces.

Le Kongo Central va remplacer le Bas-Congo, qui, exceptionnellement, a échappé à l’émiettement qu’ont subi les autres anciennes provinces. L’un des principaux greniers du pays, la province du Kongo Central forme le corridor vital de la RDC avec le bief inférieur du fleuve, le rail, la route et le port maritime de Matadi. Il coïncide aussi avec le territoire ancestral du peuple kongo. Le nouveau nom, délibérément ethnique, de la province évoque l’antique royaume du Kongo ; Joseph Kasavubu l’avait brandi déjà en 1960 pour revendiquer un État autonome, avant de devenir président de la République.

Le Bandundu est scindé en trois provinces. Au sud, le Kwango n’est que maigrement occupé par les Yaka, les Pelende et les Suku. Au centre, le Kwilu est bien mieux peuplé avec notamment les Pende, les Mbala, les Yanzi et les Mbun. La ville majeure est Kikwit, longtemps pépinière d’intellectuels, qui redevient chef-lieu de province aux dépens de Bandundu (ville) ; du coup celle-ci revendique un rôle similaire dans le Maï-Ndombe limitrophe. Multiethniques, les provinces de Kwango et de Kwilu restent unies par l’usage véhiculaire du kikongo. Le Maï-Ndombe, plus au nord, est bien distinct. Son peuplement, composite et diffus, inclut côté fleuve les Teke, présents au Congo-Brazzaville et même au Gabon ; mais ici leur district des Plateaux, de création récente, semble voué à disparaître.

L’Equateur est émietté en cinq provinces. Celles de la cuvette forestière, au sud, incluent un Equateur très réduit (autour de Mbandaka), la Tshuapa qui ne s’en distingue guère, et la Mongala, fief des Mongo, des Ngombe ou des Mbudja, le Nord-Ubangi (au nord ) et le Sud-Ubangi sont assez bien peuplés par les Ngbaka, Ngbandi et Mbandza, très proches et de parenté centrafricaine.

La scission de la Province Orientale a donné naissance à quatre provinces aux identités contrastées. La Tshopo avec sa capitale pluriethnique Kisangani et peuplée des groupes variés : Pêcheurs du fleuve surtout, Binza, Bali ; le Bas-Uele est ainsi le domaine des Zande, le Haut-Uele celui des Mangbetu, et l’Ituri peuplé par des ethnies, presque toutes non bantoues et d’affinités ougandaises ou soudanaises, comme les Bale et les Alur, les Lugbara, les Ndo, les Bira, et bien d’autres

Le Kivu ancien n’existe plus depuis qu’en 1988, en donnant le Maniema forestier est peu occupé par les Komo, les Bangubangu, ou les quelques Waswahili musulmans du fleuve, le Nord-Kivu occupé par les Nande et le Sud-Kivu, occupé par les Shi, Havu, Fuliru, Bembe ou Rega.

La province du Katanga, elle, est scindée en quatre provinces : le Tanganika (est, très rurale, est la terre des Hemba et des Tumbwe ; le Haut-Lomami (centre-nord, très rural, occupé par les Luba-Katanga), le Haut-Katanga, (sud) est le « scandale géologique » qui a enrichi l’Union minière, puis la Gécamines et le régime zaïrois, le Lualaba (ouest). La scission du Katanga a mis à nu le Sud « utile » et un Nord sous-développé.

Le Kasaï ancien va donner naissance à cinq provinces : le Kasaï-Oriental , occupé par les Luba – dont Etienne Tshisekedi fait partie - réputés contestataire; le Kasaï-Occidental, occupé par les Lulua,. Songye et Kanyoka obtiennent ainsi le Lomami, occupé par les Songye et les Kanyoka avec la ville-gare de Muene-Ditu (porte d’accès à Mbuji-Mayi), laquelle dispute à Kabinda le rôle de capitale de la province ; et le Sankuru, revient aux Tetela (héritiers de Patrice Lumbumba), le Kasaï-Central (avec Kananga) et le nouveau Kasaï (avec les diamants de Tshikapa) restent à dominante lulua.

Mais, à quand le passage de 11 à 26 provinces ?

Mais, à quand le passage de 11 à 26 provinces ? C’est-à-dire à quand la concrétisation du découpage territorial tel que voulu par le constituant ?

Cette question pose la véritable problématique du découpage territorial qui suscite maints débats, alors que l’on s’approche inexorablement de la date butoir. En effet, la Consti­tution de la République avait fixé à travers son article 226, « endéans trente-six mois qui suivront l’installation effective des institutions politiques pré­vues par la Constitution ».
Passons aux calculs pour déterminer la date à laquelle le découpage territorial est censé être effectif. Et partant de l’entrée en fonction du président de la République le 6 décembre 2006, l’installation de l’Assem­blée nationale en décembre 2006, du gouvernement Gizenga en février 2007, du Sénat en mars 2007, on pour­rait retenir mars 2007 comme point de départ pour com­mencer le décompte. S’il faut partir de cette date, c’est en mars 2010, soit dans 2 mois, que les nouvelles provinces sont censées être fonctionnel­les.
La question mérite d’être posée : le gouvernement est-il prêt à passer au découpage territorial et à la mise en place de ces nouvelles administra­tions territoriales, vu le temps qui reste? A l’ouver­ture de la session de septem­bre 2008, l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Lutundula Apala, faisant of­fice de président de la cham­bre basse du Parlement, avait lancé, dans son mot de circonstance, sa réflexion sur la faisabilité de cette disposition constitutionnelle doutant des possibilités que pourrait avoir le gouvernement congolais pour mener à bien cette opé­ration de division territoriale et d’installation de nouvelles provinces. Il n’avait pas du tout tort. Son appréhension est fort justifiée.
Tout en saluant la nécessité d’avoir plusieurs provinces, cet élu du peuple relevait néan­moins le caractère réaliste de la faisabilité de cette disposi­tion et demandait que l’on y songe dès l’instant pour pré­parer d’autres dispositions constitutionnelles, si néces­saire pour ne pas se retrouver dans un blocage à la veille du délai fixé par la Constitution. Il nous semble que, depuis, rien n’est encore fait.

Répondant aux préoccupations des députés lors d’un de ses passages à la tribune de l’Assemblée nationale, l’ancien ministre de l’Intérieur, Denis Kalume Numbi, avait montré un chronogramme de passage à 26 provinces qui, à ce jour, est resté lettre morte, alors que le compte à rebours a déjà commencé.

Obstacles

Le découpage territorial a plus de chance de ne pas être effectif à la date butoir, plusieurs obstacles risquant de l’en empêcher. Au nombre de ces obstacles, l’absence de campagne de sensibilisation auprès de la population censée intérioriser et connaître cette nouvelle division géographique du territoire national. Comme l’avait reconnu le ministre de l’Admi­nistration du territoire et Décentralisation, Antipas Mbusa Nyamuisi, dans une interview accordée au journal L’Observateur, en janvier 2009, le processus requiert une grande campagne de communication sociale sur la décentralisation en vue d’amener toutes les couches sociales de la population à s’approprier le processus.

Il est revenu, quelques mois plus tard, sur cette campagne au cours d’une confé­rence de presse en annon­çant la mise à disposition par le gouvernement d’un million de dollars américains pour mener, en langues nationales, la prochaine campagne de sensibilisation sur la mise en œuvre de la décentralisation territoriale en RDC. Quand ? Personne ne connaît la date.
Il a indiqué qu’en pré­lude à cette campagne, l’avant projet de loi portant limitation des provinces de 11 à 26, sera soumise, la semaine qui suivait, au Conseil des ministres avant de chercher à obtenir la sanc­tion du Parlement.

En outre, le ministre Antipas Mbusa Nyamuisi avait reconnu que le processus de décentralisation avait certains impératifs qui se traduisaient parfois en obstacles. Le coût des opérations qui appellent la disponibilsation permanente des ressources matérielles, financières et humaines, les guerres récurrentes et autres affrontements armés dans certaines provinces du pays hypothéquaient la bonne marche du processus. En plus, les inégalités des ressources financières propres entre les provinces risquent de constituer aussi d’autres obstacles au transfert effectif des compétences et des charges aux provinces.

L’article 2 de la Constitution prévoit, des 11 actuel­les provinces, l’exis­tence de 25 provinces, plus la ville-province de Kinshasa, dotées toutes de la personnalité juridique. Il s’agit des provinces ci-après : Bas-Uélé, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uélé, Ituri, Kasaï, Kasaï oriental, Kinshasa, Kongo central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Ka­saï central, Maï-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tan­ganyika, Tshopo, Tshuapa

Les débats que suscite cette question provoque des avis partagés. Pour le professeur Philippe Biyoya Makutu, « le vrai problème n’est pas celui des délais, mais du manque de stratégie. Le découpage devient un problème lorsqu’on ne lui donne qu’un contenu politico-administratif. Le principe devrait être maintenu et encouragé ». Un proche de la présidence estime, quant à lui, qu’ « il est plus raisonnable que la décentralisation soit d’abord expérimentée dans les provinces ayant toutes les infrastructures, tous les moyens humains et matériels, avant de créer de nouvelles provinces. C’est la voie la plus objective si nous voulons être rationnels ».

La question du découpage territorial ne se pose pas seulement en termes de délais. Elle concerne également la cohésion nationale. Une mission des partenaires de la RDC (Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement, PNUD), après avoir sillonné le pays, a constaté que, dans certains cas, le découpage ne correspondait pas aux réalités ethniques.

Le gouvernement et ses partenaires bilatéraux ne lésinent pas sur les moyens pour consacrer à la décentralisation des ateliers et des séminaires. Par exemple, ce forum national sur la décentralisation tenu du 3 au 5 octobre 2008 au Grand Hôtel Kinshasa et dont le sénateur Jacques Mbadu Nsitu, ancien gouverneur du Bas-Congo, avait fait une importante restitution devant députés et sénateurs lundi 8 octobre.

" Problématique du découpage territorial de la RDC : Opportunité et avantages - faiblesses - avis et considérations ", tel il avait intitulé son exposé. Au cours de cet exposé, qui avait captivé l’attention et l’intérêt des parlementaires, Jacques Mbadu a démontré ce que le découpage territorial présente comme opportunités et avantages et ses faiblesses.

Comme un géographe, il a démontré, en s’appuyant sur des chiffres, la nécessité que la RDC a de découper son territoire, précisément ses provinces, d’autant que sa superficie est de loin plus grande que celles de certains pays européens qui ont adopté également le découpage de leur territoire national. Comme qui dirait, si ces pays moins vastes géographiquement que le nôtre, dont on dit avoir des dimensions continentales, ont résolu de découper leur territoire, pourquoi ne nous essayerons-nous pas sur cette voie ?

Comparez les 2 345 410 Km² de la RDC avec les 550 000 Km² de la France (environ quatre fois moins que la RDC) qui est découpée en 100 départements ou provinces, en 341 arrondissements ou territoires, en 4 039 cantons ou secteurs/chefferies et en 36 782 communes ou groupements. Retenez que l'Allemagne qui, vaste de 357.050 Km², environ sept fois moins que la RDC, moins vaste que la province de l'Equateur (403 282 Km²), est pourtant découpée en 16 régions ou Länder ou provinces, en 26 districts ou territoires et en 16 127 communes (secteurs ou chefferies).
La comparaison ne s’arrête guère à ce niveau. Mettons-nous à comparer les superficies des provinces actuelles de la RDC avec celles de certains pays africains et européens. La plupart des provinces congolaises sont plus vastes que certains pays africains, européens ou asiatiques.

Avec ses 503 293 Km², la Province Orientale, la plus vaste de la RDC, est aussi vaste que l'Espagne et dépasse de loin le Cameroun (475 442 Km²), la Suède (449 964 Km²). Les provinces du Katanga et de l'Equateur, avec respectivement 496 877 Km² et 403 282 Km², sont de loin plus étendues que le Japon (377 801 Km²), la Côte d'Ivoire (322 462 Km²), l'Italie (301 278 Km²).
Le Bandundu, qui a 295 580 Km², supplante le Royaume Uni (244 100 Km²), la Roumanie (237 500 Km²), tandis que le Kasaï Oriental, le Kasaï Occidental et le Maniema, avec respectivement 169 886 Km², 156 967 Km² et 132 250 Km² de superficie sont plus vastes que la Corée du Nord (120 538 Km²), la Corée du Sud (99 221 Km²), le Portugal (92 072 Km²).
Le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Bas-Congo avec respectivement 69 130 Km², 59 483 Km² et 53 920 Km² dépassent largement en superficie les Pays-Bas (34 182 Km²), la Suisse (41 418 Km²), la Belgique (30 518 Km²), par exemple.
Quant à la ville de Kinshasa avec ses 9 965 Km² de superficie, elle est 3 fois plus étendue que le Luxembourg (2 586 Km²).
Forts de toutes ces données, les défenseurs de la décentralisation ne peuvent trouver que des arguments solides à leur cause en soutenant l'opération du découpage du territoire national, devenant ainsi une opportunité. La situation socio économique de beaucoup de provinces de la RDC n’a-t-il pas poussé bien des Congolais à appeler de tous leurs voeux ce découpage territorial, estimant que le pays aux dimensions continentales, reste difficilement gérable. Par conséquent, pour le gérer assez facilement, il est nécessaire de le découper.
Toutefois, cette opportunité présente des faiblesses dans la mesure où le découpage actuel a pour socle la transformation des anciens districts en provinces, excepté le Bas-Congo.

Faiblesses : quels critères ?
Dans son analyse très pertinente, le sénateur Jacques Mbadu a relevé certaines faiblesses dans le chef des constituants. Pour lui, des critères objectifs de viabilité des nouvelles provinces à créer n’ont pas été pris en compte.
« En effet, il n'y a eu ni recensement des populations, ni consultation préalable des populations concernées, ni inventaire des ressources disponibles dans chaque province à créer, ni consolidation du sentiment du vouloir-vivre collectif, ni formation des experts et animateurs de la Territoriale. Bien plus, on n'a pas, non plus, tenu compte des infrastructures administratives, du redéploiement des fonctionnaires, des moyens financiers à mobiliser pour appliquer la décentralisation, des textes réglementaires, du renfoncement des capacités de gestion », a-t-il fait remarquer, concluant que « cela a pour conséquence, certaines provinces à créer manquent presque de tout. »

Aussi s’interroge-t-il sur les critères à base desquels on a décidé du découpage des provinces. N’y a-t-il pas eu d’autres critères, par exemple ethniques, d’autant que bon nombre de provinces plus peuplées que d’autres seront découpées en nombre inférieur de provinces que d’autres peu peuplées ?« Nous nous demandons alors si le seul critère qui consiste à faire des anciens districts des provinces suffit pour asseoir le découpage territorial », s’est-il demandé. Que dire de « la Province Orientale, la plus vaste des 11 provinces du pays, (qui) ne sera découpée qu'en quatre provinces (et du) Katanga, avec une superficie de 496 877 Km² et 8 949 000 habitants, (qui) n'alignera que quatre provinces alors que celle de l'Equateur avec 403 292 Km² et 6 414 000 habitants en disposera cinq ? L'actuelle province de Bandundu, avec 295 580 Km² et 7 018 000 habitants, ne sera subdivisée qu'en trois provinces au même titre que le Kasaï Oriental deux fois moins étendu (169 886 Km² et 5 421 000 habitants).
Ici, il est important de faire remarquer le nombre des populations de ces provinces, partant de toute la République, est à prendre avec beaucoup de réserve, car le dernier recensement digne de ce nom date de 1984.
Le sénateur Jacques Mbadu est allé plus loin en faisant remarquer que la superficie de la nouvelle province du Kasaï Oriental créée (ou à créer) avec ses 9 481 Km², est moins étendue que la ville-province de Kinshasa qui a 9 965 Km² et vaut plus de 5 fois moins que l’actuel Bas-Congo avec ses 53 920 Km².
Il a fait remarquer que la configuration de certaines nouvelles provinces créées repose sur des critères purement ethniques. Voici les exemples qui étayent ses affirmations. « Il s'agit notamment des provinces ci-après : le Kasaï Oriental est exclusivement pour les Baluba ; le Kabinda pour les Basonge ; le Sankuru pour les Batetela ; le Kasaï Occidental pour les Lulua ; le Nord-Oubangi pour les Ngbandi et nous en passons … »

Faute d’avoir fondé le découpage territorial sur des critères objectifs, il y a lieu de crainte un retour de la manivelle, surtout lorsque les critères ethniques ont prévalu dans ce découpage. Donc, comme l’a prédit le sénateur Jacques Mbadu, le découpage territorial risque d’apporter plus de problèmes au pays qu’il en résoudra.

Cadre juridique non encore en place

Que dire du cadre juridique devant régir la nouvelle gestion territoriale du pays ? Peu de réalisations ont été faites quant aux lois devant régir la décentralisation.

La décentralisation, telle que voulue par la Constitution, doit être assise sur un arsenal de lois et de leurs mesures d’application. Au total, il faut treize lois « pour mieux pratiquer cette technique essentielle d’une administration de proximité », comme l’avait souligné Anselme Meya Ngemba, chef des travaux en Sciences politiques et administratives à l’Unikin, lors d’un atelier de reportages conjoints national, organisé par l’Institut Panos Paris, du 18 au 23 août 2008, à Kinshasa, à l’intention de 12 journalistes de la presse écrite venus de toute la RDC, sur le thème « Problématique du partage et du transfert des compétences et des ressources entre différents paliers du gouvernement ».

Dans cette même interview, Antipas Mbusa Nyamuisi avait déclaré que la mise en œuvre effective du processus de décentralisation exigeait une série de lois organiques qui devraient être édictées. Des 13 lois à édicter, cinq seulement sont déjà édictées, à ce jour, à savoir : la Loi fondamentale, la loi électorale, la loi organique n° 08/015 du 7 octobre 2008 portant modalités d’organisation et de fonctionnement de la Conférence des gouverneurs de province, la loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces et la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. La loi sur la CENI est en adoption à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, la constatation est fort inquiétante : alors que la date butoir approche très vite, d’autres lois tardent encore d’être promulguées. Plusieurs autres projets de lois sont en examen, soit au niveau du Parlement, soit au niveau du Gouvernement. C’est le cas notamment de la loi organique sur les subdivisions territoriales à l’intérieur des provinces et sur les entités territoriales déconcentrées, provinciales et des entités décentralisées et la loi sur la commission électorale nationale indépendante qui sont en examen au Parlement. Tandis que l’avant-projet de loi portant fixant des limites des provinces et celle de la ville de Kinshasa est soumis au Conseil des ministres pour adoption, par contre, la loi financière, la loi sur la nouvelle nomenclature des taxes des provinces et des entités territoriales décentralisées et la modalité de leur répartition, la loi organique portant organisation et fonctionnement de na Caisse nationale de péréquation, la loi organique portant organisation et fonctionnement des services publics du pouvoir central, la loi sur les statuts des chefs coutumiers, sont encore en élaboration aux ministères techniques concernés.

Entre l’examen de ces lois soit au Conseil des ministres pour adoption, soit leur examen au Parlement pour leur vote, avant leur promulgation par le chef de l’Etat, le chemin est long, d’autant qu’une dizaine de lois attendent ce long processus. Entre temps, le temps presse…

Et que dire de l’application de certaines de ces lois déjà votées et promulguées ? Il y a du chemin à parcourir avant de voir le bout du tunnel.
Jacques Mbadu relève quelques contradictions à ce sujet. « Des dispositions constitutionnelles, fait-il remarquer, comme celles de l'article 175 portant sur la rétrocession aux provinces ou la retenue à la source de 40% des recettes à caractère national donnent lieu à des interprétations contradictoires dont voici quelques-unes : A ce sujet, dans les provinces actuellement appelées ''G3'', à savoir les provinces du Bas- Congo, du Katanga et la ville de Kinshasa, certains crient haut et fort que ces 40 % concernent bel et bien les recettes perçues dans les provinces.
Par contre, dans les 8 autres provinces appelées ''G8'', d'autres déclarent qu'il s'agit de 40% des recettes produites dans l'ensemble du pays et qu'il faut rétrocéder équitablement à toutes les provinces. «
Il va plus loin dans son analyse. « Que dire des recettes de grandes entreprises dont la répartition est aussi querellée ? », S’interroge-t-il cet ancien chef de l’exécutif provincial. « En effet, certaines sociétés payent leurs impôts à Kinshasa alors que les richesses ont été créées dans plusieurs provinces à la fois. C'est le cas de la SNEL, la Regideso, la SNCC, la RVA, l'Onatra, etc.
La rétrocession des recettes des pétroliers producteurs au Bas-Congo présage des violents orages en perspective. Il en est de même des recettes issues des transactions douanières à l'import comme à l'export qui bénéficient aux provinces du Bas-Congo et du Katanga alors qu'elles ne sont ni consommatrices finales des marchandises importées ni productrices des biens exportés », note-t-il.
Il conseille de « trouver la meilleure interprétation possible afin d'éviter des disputes interminables. La route est donc, vous en conviendrez avec nous, semée d'embûches. Il nous faut trouver des mécanismes pour contourner ces difficultés et trouver des réponses adéquates ».
Il conclut « que le découpage territorial de la République Démocratique du Congo est une très bonne chose, nous devons le concrétiser avec beaucoup de volonté politique, mais, s'il vous plait, progressivement, méthodiquement et en nous dotant d'un agenda réaliste et bien réfléchi sans pour autant aller en l'encontre des prescrits de la Constitution en la matière », étant donné que « la finalité est que notre pays, aux dimensions continentales, soit administré de façon optimale (et que) le découpage ainsi pensé est une exigence de bonne gouvernance ».

Eviter de faire les choses dans la précipitation
Tout compte fait, il faut donner à la décentralisation la chance de réussir. Il faut donc lui donner du temps, beaucoup de temps. Pour cela, « le découpage », qui découle de la décentralisation, « doit se faire de façon rationnelle avec la mise en place, outre de la loi sur la Décentralisation, de l'ensemble de l'arsenal juridique y afférent ainsi que de tous les mécanismes de transfert effectif de compétences du pouvoir central au pouvoir provincial, du pouvoir provincial aux entités territoriales décentralisées ».
Puisque « tout ce qui se fait contre le temps est souvent » voué à l’échec et que « rien n'est donc impossible avec le temps », que " rien ne sert de courir, il faut partir à temps ", qu’ « aucun pays ne s'est construit en un jour, mais il faut toujours commencer quelque part et tenir compte du temps », Jacques Mbadu conseille de « commencer par rassembler toutes les données démographiques de la RDC avant d'envisager tout découpage », ce qui « permettrait de connaître le nombre d'écoles maternelles, primaires et secondaires, le nombre d'hôpitaux à construire dans chaque province pour un développement équilibré de tous ! ». Il conseille aussi de « nous doter d'abord de tout l'arsenal juridique et économique qui doit accompagner la loi sur la décentralisation avant d'aller plus loin ». Il va plus loin, jusqu’à proposer de « commencer par recréer l'Ecole nationale d'administration (ENA), qui pourrait servir de creuset à la formation des cadres administratifs et territoriaux » dont le pays aura besoin pour « mieux asseoir notre décentralisation ». Un préalable qui risque d’envoyer aux calendes congolais l’avènement de la décentralisation.
Le PNUD, l’un des bailleurs de fonds de la RDC dans ce secteur, très réaliste, avait aussi proposé d’aller lentement dans cette voie, lors de la tenue du Forum National sur la Décentralisation tenu à Kinshasa du 03 au 05 octobre 2007. « " Il serait plus prudent de programmer la mise en place des nouvelles provinces à partir de la nouvelle législature (en 2011). Car, la mise en place des nouvelles provinces dans deux ou trois ans, soit deux ans avant le renouvellement des mandats des députés provinciaux, est contreproductive et coûteuse. Il serait plus réaliste de démarrer les nouvelles provinces au moment de la deuxième législature ; entre temps le gouvernement central et les gouvernements fédéraux concernés prendront des dispositions spéciales pour créer les conditions matérielles (bâtiments, infrastructures d'accès à certains chefs-lieux, etc.) pour accueillir les nouvelles provinces ", avait-il conseillé.
La décentralisation est un processus qui requiert non seulement beaucoup de temps, mais aussi beaucoup de moyens tant financiers que matériels, mais aussi une dose remarquable de volonté politique. Aussi faudra-t-il éviter de faire les choses dans la précipitation.

Quoique des pays occidentaux –européens et américains aient réussi à asseoir cette façon de gérer la chose publique, et africains soient en train d’y cheminer, clopin-clopant, cette mode de gestion ne répond à aucun modèle sur lequel s’appuyer pour réussir le sien. Il appartient donc à chaque pays de modeler sa décentralisation en fonction de ses besoins et des contraintes qui lui sont propres. Comme quoi, la décentralisation, même si elle obéit à des principes généraux, ce processus est long et compliqué. C’est du sur-mesure et non du prêt-à-porter. C’est aussi là sa complicité.

Cependant, il n’est pas interdit de s’inspirer d’exemples de décentralisation réussis comme celui du Canada, d’Allemagne, et des pays africains comme le Mali, le Sénégal et l’Afrique du Sud, qui sont en train de faire des progrès considérables dans ce domaine. Mais aucun de ces exemples ne peut être transposé en République démocratique du Congo, chaque pays étant unique en ce qui concerne ses réalités géographiques, démographiques, historiques, culturelles, ethniques, tribales…

Le découpage territorial, une mission impossible ? Non, il faut du temps, des moyens, mais surtout de la volonté politique pour le réussir. Il se fait qu’à ce jour, tout cela est loin d’être au rendez-vous.

1 commentaire:

  1. Très intéressant article pour l'observateur extérieur que je suis. Il témoigne aussi, entre les lignes, du formidable potentiel de cet immense pays qu'est le Congo! Le défi est gigantesque et je souhaite de tout coeur que les Congolais le réussissent.
    Cordialement,
    Jean-Luc Ernst
    www.stanleyville.be

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